Amara, l’homme de tous les printemps
Figure du mouvement social, le fondateur de Droits devant !! raconte les combats d’une vie.
dans l’hebdo N° 1186 Acheter ce numéro
Quand, un jour d’hiver 1954, l’abbé Pierre lui prend la main pour lui présenter les occupants d’un camp de sans-abri à Paris, Jean-Claude Amara a seulement 8 ans. Ce fils d’immigré algérien vit dans le quartier Mouffetard, délabré, où il verra plus tard un ami se faire torturer dans un commissariat du préfet Papon. C’est là aussi qu’il apprendra la mort sur le sol algérien de son frère aîné, militant de la Libération, assassiné en « opération de nettoyage » peu avant la fin de cent trente-deux années de colonisation.
« Autant d’événements qui avaient aiguisé mon sens critique et ma lucidité , écrit aujourd’hui Jean-Claude Amara, donné un sens à ma révolte, nourri mon enfance et préparé mes vingt printemps à rencontrer celui de 1968. » Dans les forums du théâtre de l’Odéon, confronté à la politique sécuritaire d’un pouvoir autoritaire et à une « gauche responsable » adepte du compromis, il continue à « grandir » . Puis il choisit la liberté : avec son frère, il monte un théâtre à ciel ouvert où, entre une java et une reprise de Piaf, on parle politique. Ils reçoivent des peuples d’autres couleurs et d’autres langues, gages de fraternité.
L’aventure durera trente-six ans. Jusqu’à ce que la nécessité profonde de la lutte s’impose à Jean-Claude Amara, un dimanche de mai 1990, qui avait ce furieux goût d’hiver 1954 : alors que trois cents mal-logés expulsés ont organisé un campement place de la Réunion, à Paris, il délaisse son orgue de barbarie pour prendre place aux côtés des militants. « Plus j’accédais à la compréhension de cette lutte, plus j’en mesurais l’importance, plus s’inscrivait dans ce qui était alors du ressort de mon inconscient le désir d’aller plus loin, bien plus loin. »
Alors, après quatre mois de lutte et la victoire, il monte dans le train du DAL (Droit au logement), l’association que crée son ami Jean-Baptiste Eyraud. Ce sera le premier de nombreux fronts sur lesquels il sera présent. Il combattra notamment pour la Palestine, « épicentre planétaire de la lutte pour l’égalité des droits » , « qui subit depuis plus de soixante ans le fléau de l’apartheid, de l’esclavagisme et de la colonisation » . Il fonde ensuite Droits devant !!, qui s’ouvre sur les combats culturels. Il sera également aux côtés des sans-papiers, dans la mouvance altermondialiste.
Une trajectoire, des rencontres, des souvenirs et des anecdotes, des chansons aussi, qui font la richesse de pages avec lesquelles Jean-Claude Amara caresse l’espoir, « dans le désert spirituel, intellectuel, culturel et politique qui caractérise notre société actuelle, [d’] inciter celles et ceux qui le liront à s’engager partout, […] pour semer les germes d’une citoyenneté partagée, vigilante, créative et désintéressée » .