Hold-up sur le Livret A

Le gouvernement n’augmentera pas le taux d’intérêt de cette épargne populaire, en dépit de l’inflation. Au grand profit du secteur bancaire.

Thierry Brun  • 19 janvier 2012 abonné·es

Le gouvernement a choisi le 12 janvier de ponctionner discrètement l’épargne populaire du Livret A. Le ministre de l’Économie, François Baroin, avec l’accord de l’Élysée, a suivi la recommandation du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, favorable au maintien du taux du Livret A à 2,25 % à partir du 1er février.

La décision est lourde de conséquences, puisque la hausse annuelle des prix à la consommation a atteint 2,5 % et que, compte tenu de ce niveau d’inflation, la loi prévoyait un relèvement du taux à 2,75 %. L’économie réalisée sur le dos des ménages modestes atteindrait 700 millions d’euros en six mois (Livret A et Livret de développement durable inclus).

« Monsieur Sarkozy et son gouvernement organisent pour la première fois une spoliation de l’épargne des Français » , estime Delphine Batho, porte-parole de François Hollande. La CGT du groupe Caisse des dépôts y voit une « forfaiture », c’est-à-dire « une action accomplie en dehors des règles édictées » . Depuis 1986, la loi indique en effet que, le 15 janvier et le 15 juillet, la Banque de France calcule la rémunération du Livret A selon l’évolution de l’indice des prix, et transmet ses recommandations à Bercy. François Baroin déroge à la loi pour « éviter une volatilité excessive » du taux du Livret A.

En août 2009, rappelle la CGT, le gouvernement, « faisant état d’une hypothétique baisse future du taux d’inflation » avait « abaissé le taux du Livret A de moitié en six mois » . Ce taux était en effet passé de 1,75 % à 1,25 %, alors que l’application de la réglementation imposait une baisse à 0,25 % seulement.

Les épargnants populaires font les frais du maintien du taux actuel du Livret A et du Livret de développement durable (LDD), au profit des établissements bancaires privés, qui gèrent 35 % de leur encours, soit près de 100 milliards d’euros. « En ces temps de disette de liquidités, il est fort intéressant pour un banquier de disposer d’une ressource rémunérée en dessous du taux d’inflation, pour la prêter ensuite à des taux supérieurs à 7 ou 8 % » , souligne la CGT, qui ajoute que les compagnies d’assurance sont aussi bénéficiaires de la « forfaiture ».

Les produits d’assurance-vie constituent la principale destination de l’effort d’épargne des ménages (plus de 1 200 milliards d’euros). Ces derniers mois, l’assurance-vie a subi un fort mouvement de décollecte, lié à la concurrence des livrets d’épargne défiscalisés. Une concurrence annihilée pour quelque temps.

Concrètement, le gouvernement ne cherche pas à améliorer le pouvoir d’achat de ceux qui en ont besoin, mais à relancer le crédit et à soutenir la finance.

Économie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?
Économie 4 décembre 2024 abonné·es

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?

Au cœur de la détresse des exploitants : la rémunération globalement bien trop faible, en dépit de fortes disparités. La question, pourtant, peine à faire l’objet de véritables négociations et à émerger dans le débat public.
Par Vanina Delmas
Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte
Transport 5 novembre 2024 abonné·es

Liquidation de Fret SNCF : les syndicats préparent la riposte

Après l’annonce de la liquidation, au 1er janvier 2025, de Fret SNCF, les syndicats de cheminots unis ont été reçus par la direction ce 5 novembre. Ils déplorent un passage en force et annoncent une « fin d’année très conflictuelle ». Première journée de grève prévue le 21 novembre.
Par Pierre Jequier-Zalc
Budget 2025 : quand la gauche rafle la mise… en vain ?
Budget 4 novembre 2024 abonné·es

Budget 2025 : quand la gauche rafle la mise… en vain ?

Depuis trois semaines, le Nouveau Front populaire enchaîne les victoires sociales et écologiques dans un hémicycle clairsemé. Au point que la copie actuelle du budget serait, selon Éric Coquerel, « NFP-compatible ». Jusqu’au 49.3 ?
Par Lucas Sarafian
Les 10 scandales du budget Barnier
Budget 15 octobre 2024 abonné·es

Les 10 scandales du budget Barnier

Le budget 2025 se présente comme l’un des plus austéritaires depuis des décennies. En refusant de tirer un trait sur la politique de l’offre, il abrite de nombreuses mesures injustes qui risquent d’accroître plus encore les inégalités sociales et écologiques.
Par Pierre Jequier-Zalc