Kokopelli près de la victoire
Le sort de l’association de préservation des semences est suspendu à une décision de la Cour de justice européenne.
dans l’hebdo N° 1187 Acheter ce numéro
David pourrait bien l’emporter contre Goliath : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’est pas loin de conclure à l’invalidité de l’interdiction qui frappe les activités de l’association Kokopelli (Alès), laquelle s’évertue depuis plus de dix ans à sauvegarder et commercialiser des variétés traditionnelles de plantes et de légumes menacées de disparition.
L’association s’appuie sur son réseau d’amateurs et de professionnels qui cultivent et multiplient chez eux les semences à préserver. Une « gamme collection » est destinée à être échangée entre adhérents ou envoyées dans les pays du Sud. Une « gamme boutique » est commercialisée depuis 1999. Dans l’illégalité de fait car ses variétés ne sont pas inscrites au Catalogue officiel, destiné à garantir aux acheteurs stabilité, conformité, reproductivité des variétés. Un système que Kokopelli conteste. « Ce catalogue restrictif contribue à réduire la biodiversité » , explique Jean-Marc Guillet, l’un des responsables de l’association. Notamment en barrant l’accès aux variétés dont l’intérêt économique est limité, car le coût d’enregistrement au catalogue est très prohibitif. « À l’époque, il fallait payer un droit de 1 400 francs pour une seule variété. »
Résultat : Kokopelli traîne des procédures judiciaires à n’en plus finir pour vente illicite et concurrence déloyale. Mais l’avocat général de la CJUE a donné raison à l’association le 19 janvier. Saisie par la Cour d’appel de Nancy dans une affaire impliquant la société Graines Baumaux, le plus agressif des adversaires de Kokopelli, elle conclut que « le fait que les agriculteurs soient cantonnés à des variétés admises réduit la diversité génétique dans les champs européens » .
Ainsi, « l’interdiction de commercialiser des semences de variétés non admises est disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par la législation européenne » . Si la CJUE suit cet avis, ce qui est généralement le cas, le système français et européen de commercialisation de semences pourrait bien être remis en cause…