« La légende de Bornéo » : Sortie de bureau
La comédie du travail, par la compagnie L’Avantage du doute. Un joyeux labeur.
dans l’hebdo N° 1186 Acheter ce numéro
Comme une enquête sociologique ne produit pas naturellement des textes de théâtre, la compagnie L’Avantage du doute (au moins, voilà des gens pas trop sûrs d’eux-mêmes) applique la formule de l’entretien recueilli sur le vif, qu’elle utilise ensuite comme matériau à malaxer au gré de l’écriture collective.
Cette nouvelle pièce au long titre, la Légende de Bornéo (Il y a une légende à Bornéo qui dit que les orangs-outans savent parler mais qu’ils ne le disent pas pour ne pas avoir à travailler) , est consacrée au labeur. On devine que la compagnie est bien jeune pour choisir un titre aussi décalé ! Mais si celui-ci est d’un deuxième degré à défricher, le spectacle est d’une clarté à recommander.
Le travail, donc, est au cœur du propos, et surtout la façon dont le salariat nous transforme en relais d’une idéologie et de la compétitivité. On vous accueille comme dans un restaurant ou une fête foraine. Un hôte à la gaîté un peu forcée – l’excellent Simon Bakhouche – vous encourage à vous asseoir et, entre chaque intervention des acteurs, veille à relancer ce qu’on appelle l’ambiance ! L’une des actrices vient régulièrement expliquer qu’il faut lire Walt Whitman, le grand précurseur du discours écologique. Ces contrepoints visent à nous montrer que la fête foraine et l’écologie sont bien loin de la réalité de l’être humain au sortir du bureau !
Quatre mini-pièces constituent le spectacle. Dans le premier moment, un couple fait méthodiquement le point sur la semaine écoulée et celle à venir : un problème d’ordre sexuel l’emporte sur la liste des courses à faire. Ou bien une femme cherche à nous représenter Pôle emploi en marche, et c’est toute une série de planches et d’objets divers qui s’effondrent et transforment l’espace nu en décharge (vite éliminée).
La petite pièce la plus percutante représente deux sœurs se retrouvant dans l’appartement de celle qui a réussi et dont le mari travaille « à faire du cash ». L’autre sœur a quitté son travail pour devenir comédienne. Là, le théâtre rit de l’entreprise en comparant les modes de fonctionnement respectifs de l’art et du business. Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas et Nadir Legrand ne font ni du cash ni du sketch, mais du théâtre politique, grave et léger comme des vacances.
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