La persévérance néolibérale
dans l’hebdo N° 1186 Acheter ce numéro
La persévérance dont font preuve les gouvernements dans la conduite de politiques ayant tous les dehors du traitement de la crise mais visant fondamentalement à la préservation de l’ordre social néolibéral est frappante. Dans la première phase de la crise, en 2008, les mesures prises avaient pour objectif la survie du secteur financier. Le souvenir de la crise de 1932 était dans tous les esprits. Sauver les institutions financières, c’était sauver l’économie et l’emploi. Lorsque la crise prit la forme d’une contraction de la production, fin 2008, les déficits publics furent tolérés en dépit de tous les principes et règles.
Les mémoires sont pourtant sélectives. Ce qui est occulté dans le traitement de la crise actuelle n’est rien d’autre que la leçon essentielle qu’il faudrait tirer de l’entre-deux-guerres : que la dépression des années 1930 ne fut surmontée qu’au prix de réformes radicales. Des barrières furent dressées aux débordements financiers ; de nouveaux modes de fonctionnement, un nouveau compromis social furent trouvés et véritablement établis après la guerre. C’est au prix de telles transformations que fut créée la dynamique de croissance de l’après-guerre.
Le contraste est aujourd’hui saisissant. Aucune des transformations requises n’est entreprise. Les politiques semblent viser exclusivement le renforcement des dynamiques néolibérales. Une grande loi fut votée aux États-Unis en juillet 2010, le Dodd-Frank Act, mais les Républicains en bloquent la mise en application. Sur d’autres terrains, comme les paradis fiscaux, le commerce international et l’investissement à l’étranger, rien de sérieux n’est entrepris.
La crise continue donc, et celle des dettes souveraines a été l’effet de cette perpétuation. Car un déficit, plus un déficit, plus un autre… égale l’envolée de la dette des États.
La Réserve fédérale états-unienne s’est vue contrainte de voler au secours de l’État, et on connaît les conséquences des réticences de la Banque centrale européenne en cette matière.
L’attention s’est donc tournée vers le monde du travail, commandant les politiques d’austérité. Un nouveau champ s’est ouvert, celui de la réindustrialisation des pays européens face à la délocalisation de la production industrielle. Il a l’avantage électoral certain de faire grand cas des emplois. L’enjeu principal est cependant le coût du travail. Le président Obama fait allusion dans ses discours au fait que ce coût, dans certains États du pays, devient compétitif face à la production délocalisée en Chine.
En Europe, le miracle industriel allemand est donné à l’admiration de tous. On sait pourtant le rôle majeur qu’y jouent les pressions exercées sur les salaires. Mises à part les fractions supérieures des hiérarchies, un processus de compression des coûts salariaux s’est opéré en Allemagne. Il faut relier ces pressions aux mécanismes de sous-traitance vers des pays à bas salaires, notamment l’Europe centrale. S’accomplit ainsi le grand rêve de la mondialisation néolibérale : le nivellement mondial par le bas de la condition de la grande masse des salariés.