« Le Mouv’, un guide éclairé »
Neuf mois après son arrivée à la tête de la station publique dédiée aux jeunes, Patrice Blanc-Francard dévoile son ambition d’une radio « connectée à Internet ».
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D’abord ingénieur du son à France Inter, puis chroniqueur au magazine Jazz Hot, Patrice Blanc-Francard a notamment travaillé avec Claude Villers, avant d’être responsable de l’unité « Divertissements » sur Antenne 2, sous la direction de Pierre Desgraupes, et de produire « Les Enfants du rock » dans les années 1980.
Médiamétrie souligne les bons chiffres de France Inter, France Culture et France Info, et minore Le Mouv’. N’est-ce pas frustrant ?
Patrice Blanc-Francard : J’ai une longue expérience de Médiamétrie. C’est un thermomètre fait pour calculer des audiences importantes. Je savais en arrivant au Mouv’ qu’on ne toucherait pas l’institut avant un certain temps. Mais il existe d’autres indicateurs qui fonctionnent sur l’instant. Personnellement, je n’attends pas de bons résultats avant le mois de juin. Mais, entre 0,4 et 0,6 point d’audience [^2], on ne peut rien déduire des chiffres.
Médiamétrie n’est pas une sanction, c’est un pilote qui vous permet de corriger ce qui ne va pas et vous indique dans quel camp vous êtes. Aujourd’hui, pour reprendre une métaphore footballistique, nous sommes en National, il faut passer en Ligue 2 avant d’arriver en Ligue 1. La refondation du Mouv’ porte sur le moyen terme. Aujourd’hui, donc, je m’attache à installer une identité, en songeant notamment à mettre une bonne matinale en place.
Vous êtes à la tête de la station depuis mars. Quel premier bilan tirez-vous ?
Nous sommes dans une station qui n’obéit pas à un format, c’est à la fois sa force et sa faiblesse. Si elle a une vocation musicale, c’est aussi une station qui inclut des tranches non musicales, sans être un mini France Inter ou une station généraliste. J’essaie de faire une radio générationnelle, qui n’existe pas à l’heure actuelle dans le tiroir des marketteurs, une radio connectée à Internet le plus souvent possible.
Si Médiamétrie révèle que les audiences ont peu changé depuis quinze ans, la radio s’est sédentarisée durant cette période, avec un phénomène important : le podcasting. Une radio à forte identité a un coup important à jouer. Au Mouv’, les émissions de Frédéric Bonnaud et de Daniel Morin sont les plus podcastées, pour des raisons différentes et par des auditeurs différents.
À qui s’adresse Le Mouv’ ?
Grosso modo, aux 20-35 ans. Je prendrais avec bonheur ceux qui sont en dessous et au-dessus, mais, en termes de tranche d’âge, c’est d’abord notre cible, celles des jeunes actifs.
De Frédéric Bonnaud à Bernard Lenoir, en passant par « La Morinade » de Daniel Morin, la ligne éditoriale du Mouv’ semble difficile à comprendre…
En marketing, je suis bien conscient que l’éclectisme n’est pas une valeur fondamentale, quelque chose d’immédiatement compréhensible pour le public. Il est clair qu’il y a là une ligne musicale, dont le rock est le tronc commun, mais, parallèlement, la station s’ouvre, quitte à fâcher les auditeurs traditionnels. On ne peut pas aujourd’hui envisager une radio en dehors du hip-hop. C’est la raison pour laquelle j’ai fait venir Akhenaton pour un rendez-vous hebdomadaire [^3], et ouvert la radio à d’autres horizons, comme le reggae (notamment avec Max Roméo) et des musiques périphériques.
La radio est aujourd’hui beaucoup moins un élément déclencheur qu’auparavant. Les jeunes générations vont directement sur Internet. Beaucoup d’artistes y sont nés. Mon souhait est de faire du Mouv’ un guide éclairé, peut-être pas à l’avant-garde mais certainement en avant.
Vous avez dirigé Disney Televisions. Quelle différence avec le Mouv’ ?
Je n’aime pas faire toujours les mêmes choses. Le plus important reste de développer un esprit critique, de s’adapter aux pratiques culturelles différentes et de savoir faire confiance aux gens qui vous entourent.
[^2]: 0,5 point équivaut à environ 250 000 auditeurs.
[^3]: Akhenaton anime une émission le samedi de 19 h à 20 h.