Les pignons sur rue
Les Nouveaux Chiens de garde, ou les
médias au service
de l’ordre établi.
dans l’hebdo N° 1185 Acheter ce numéro
Qu’on se souvienne : en 1997, Serge Halimi signe les Nouveaux Chiens de garde . Un essai articulé autour des rapports entre les médias et le pouvoir, entre collusions, influences et connivences. Le titre se voulait un clin d’œil à celui de Paul Nizan ( les Chiens de garde , 1932), dénonçant les auteurs ayant pignon sur rue et maintenant l’ordre établi.
Précisément, ce film de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat (auquel ont collaboré Serge Halimi, Pierre Rimbert et Renaud Lambert) s’ouvre sur Pierre Desgraupes saluant Nizan. Avant que Zitrone ne donne la parole à Alain Peyrefitte, ministre de l’Information – en 1963, le pouvoir fixait lui-même les cadres de l’info.
Mais « depuis l’ORTF, on a beaucoup progressé » , dit Roger Gicquel. Si le métier de journaliste est censé s’exercer autour de trois valeurs, l’indépendance, l’objectivité et le pluralisme, les réalisateurs pointent combien la réalité en est loin : concentration des médias proches de l’Élysée, ballet d’experts inoxydables gavant les médias, de Minc à Attali, de Godet à Cohen, dont « la fonction est de promouvoir la pensée unique du capitalisme dominant » .
Une fonction relayée par une pléiade de journalistes, d’Ockrent à Elkabbach, de Barbier à Duhamel. Autant de chefferies, de cumulards renforcés par l’explosion des chaînes. Le Siècle, club rassemblant les politiques, le CAC 40 et la fine fleur de ces journalistes (jusqu’à Michel Field), est un exemple de connivences et de collusions.
Aux images d’archives, les réalisateurs ajoutent les interventions pertinentes des économistes Jean Gadrey et Frédéric Lordon, de Michel Naudy, chargé de mission sur France 3, des animations, des extraits du livre de Nizan, et un ton tantôt dépité, tantôt ironique. Assurément, le propos et la démonstration sont efficaces (quand même le spectateur averti y apprend peu de chose), mais parfois caricaturaux, comme ces images d’un dressage de chien, au diapason duquel serait le journaliste. Assis. Couché. Assis. Couché.
Le film aurait gagné à s’appuyer davantage sur le discours des intervenants plutôt que de plaquer un commentaire pesant sur les images. Et, sans doute, les réalisateurs auraient dû choisir entre le dépit et l’ironie. Quitte à ne pas être dupe d’une vaste mascarade, autant s’en marrer cinglement. Non sans oublier de recueillir le point de vue des journalistes visés pour éviter de faire des portraits uniquement à charge.
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