Nigéria : La religion instrumentalisée
Les heurts entre musulmans et chrétiens sont-ils provoqués en vue d’une partition ?
dans l’hebdo N° 1185 Acheter ce numéro
Réduire la situation dans la République fédérale du Nigeria à une simple guerre de religions ressemble à un schéma occidental convenu. Pour comprendre la situation chaotique du pays le plus peuplé d’Afrique, il faut tenir compte d’une situation sociale qui a incité les syndicats à appeler cette semaine à une grève de plusieurs jours, pour protester contre la brusque hausse des tarifs du carburant : le prix de l’essence va pratiquement doubler, dans un pays qui ne vit que du pétrole et où les transports publics sont indigents. Une partie importante de la population ne bénéficie pas de la rente pétrolière, captée par des élites corrompues et par les compagnies étrangères polluant sans vergogne les zones d’exploitation. Les affrontements entre musulmans et chrétiens interviennent donc dans un climat social troublé depuis des mois.
Dans ce pays d’environ 160 millions d’habitants, indépendant depuis 1960, les musulmans et les chrétiens sont à populations presque égales mais inégalement réparties sur le territoire : musulmans majoritaires dans le Nord et minoritaires dans le Sud et l’Est. Comme au temps de la tentative d’indépendance du Biafra qui déchira le pays entre 1967 et 1970 (un ou deux millions de morts, famine et combats). En 2011, les affrontements de tous ordres ont provoqué au moins 2000 morts.
Côté musulman, il y a les fous de la secte Boko Haram, qui s’en prennent aux chrétiens minoritaires du Nord, lesquels supportent de plus en plus mal la charia en vigueur. Côté chrétien, les catholiques, très divisés, sont environ 20 millions, et les protestants sont évalués à 60 millions. Parmi ceux-ci, des adventistes, des baptistes, des pentecôtistes, des évangélistes et de nombreuses sectes chrétiennes répandues dans toute l’Afrique subsaharienne, se livrant une concurrence féroce pour gagner les faveurs des fidèles.
Un certain nombre de ces groupes protestant se montrent aussi intolérants que les musulmans radicaux. Comme le président élu il y a moins d’un an, Goodluck Jonathan, ils sont persuadés que Bako Haram est instrumentalisé par des gouverneurs du Nord et des membres de gouvernement, pour déclencher des heurts susceptibles de provoquer, comme au Soudan, une partition du pays. Deux États, dont les capitales seraient Lagos pour les musulmans et Abuja pour les chrétiens. Tout cela avec une forte odeur de pétrole…