SeaFrance menée en bateau ?
Le gouvernement dit vouloir soutenir un projet qui éviterait la liquidation de la compagnie maritime. Mais avec quels moyens ?
dans l’hebdo N° 1184 Acheter ce numéro
Les salariés qui ont déposé un projet de reprise par une coopérative de la compagnie de ferries SeaFrance ont obtenu un sursis de quelques jours auprès du tribunal de commerce de Paris, qui a reporté au 9 janvier sa décision sur l’offre de reprise. L’annonce, tout sourires, de Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), ministre de l’Écologie, « de soutenir le projet de scop [coopérative] du mieux des moyens de l’État » , à l’issue d’une réunion ayant rassemblé, le 2 janvier, Nicolas Sarkozy, François Fillon et plusieurs ministres, n’a pas convaincu les syndicats, et a déclenché la riposte du concurrent britannique P&O, qui a menacé de déposer une plainte auprès de l’Union européenne contre d’éventuelles aides d’État à cette coopérative qui tente de sauver 880 emplois…
Personne n’est dupe de la volte-face d’un gouvernement qui, trois jours plus tôt, s’indignait par la bouche du très libéral ministre des Transports, Thierry Mariani, du « fanatisme qui nous mène au suicide collectif » de la CFDT, défenseuse du principe de la coopérative. Le discours était également très « mesuré », le 2 janvier, sur France Inter : loin du triomphalisme dont elle ferait preuve quelques heures plus tard, NKM appelait à « éviter toute démagogie » : « C’est bien la scop. Le problème, c’est qu’il faut 50 millions d’euros. […] Il faut un privé pour investir dans la scop, et aujourd’hui, y a pas ! »
Le gouvernement a précisé les contours de son « soutien » , en demandant à la SNCF, propriétaire de l’entreprise, d’allouer une « indemnisation supra légale exceptionnelle » aux salariés qui veulent investir leur prime de licenciement dans le capital de la scop. Selon Philippe Brun, avocat des salariés, « c’est un montage juridique abracadabrantesque, qui a peu de chance d’aboutir » .
L’affaire représente une opération électoraliste bienvenue en ce début d’année présidentielle pour Nicolas Sarkozy, qui rappele les immenses espoirs déçus suscités à Gandrange, en 2007, par le même candidat.
Pauline Graulle