UMP : un programme modèle
Le 28 janvier, jour de l’anniversaire de Nicolas Sarkozy, son parti fera adopter un projet conçu comme une boîte à outils pour lui. Une seule chose est sûre : l’équité n’est pas prévue.
dans l’hebdo N° 1186 Acheter ce numéro
Dans une superbe indifférence, les militants de l’UMP ont commencé samedi à voter sur le projet de leur parti. Le scrutin, qui se déroule principalement sur Internet, sera clos le 26 janvier. Le texte devrait être adopté définitivement le 28 janvier au cours d’un conseil national du parti expédié en une petite après-midi, conformément à la tradition de la droite française. Un détail éclaire le statut de ce texte. Ce même 28 janvier, Nicolas Sarkozy aura 52 ans. Et le projet de l’UMP lui sera apporté en cadeau. Le président-candidat en fera ensuite ce qu’il voudra.
Pour gage du sérieux de son travail, le parti dirigé par Jean-François Copé présente, dans le journal interne de l’UMP, un résumé chiffré impressionnant des travaux préparatoires à l’élaboration de ce texte : 27 conventions nationales qui ont réuni 13 000 participants – il n’est pas précisé s’il s’agissait de visiteurs uniques –, plus de 50 débats, colloques et conventions organisés par les membres du Conseil des clubs et des think tanks, 320 réunions dans les fédérations, 393 intervenants aux conventions (dont 21 ministres, 86 parlementaires et 193 experts et personnalités étrangères), 120 rapports de secrétaires nationaux, parlementaires et fédérations professionnelles, plus de 500 réunions de groupes de travail, etc.
Au final, le projet de l’UMP tient sur seize pages de son journal, ce qui prouve que les sarkozystes savent faire preuve d’esprit de synthèse.
C’est bien le seul mérite que l’on retiendra de ce « projet à coût zéro » . Concocté par le délégué général au projet, Bruno Le Maire, et ses deux adjointes, Fabienne Keller et Valérie Rosso-Debord, sous l’autorité du secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, le projet de l’UMP fait l’impasse sur de nombreux sujets. On n’y trouve, par exemple, aucune réforme de société ni rien qui modifie les règles institutionnelles en vigueur.
Le mariage homosexuel et l’homoparentalité, sur lesquels quelques téméraires demandaient que le mouvement se prononce, ne sont pas même évoqués.
Le renforcement de la législation sur la parité ou l’inéligibilité des élus condamnés, que les Humanistes de l’UMP réclamaient, sont ignorés. Les mesures qui ne faisaient pas consensus au sein du parti n’ont pas été retenues, expliquent ses rédacteurs.
Ces oublis visent surtout à ne pas ligoter Nicolas Sarkozy, qui pourra piocher dans ce projet ce qu’il voudra. Et surprendre à l’occasion s’il venait à se déclarer en faveur de mesures qui n’y figurent pas. Ce respect des prérogatives présidentielles est particulièrement notable s’agissant des grands dossiers de politique internationale, le fameux domaine « réservé » du Président, sur lesquels l’UMP joue la grande muette.
C’est donc sur un programme minimal que votent les adhérents du parti présidentiel. Ce qui ne signifie pas que ce programme soit sans conséquences. Les orientations économiques et sociales affichées dans le texte visent à poursuivre et à amplifier la répartition inégalitaire des richesses et la destruction des protections sociales engagées depuis 2007.
Avec, d’abord, la reprise non dite d’une promesse de Sarkozy en 2007 : le refus d’augmenter les impôts. Aucune des mesures d’équité suggérées tant par les Humanistes que la Droite populaire n’y figurent. On n’y trouvera donc ni la création d’une nouvelle tranche d’imposition, ni la taxation des entreprises du CAC 40 à un taux supérieur à celui des PME, ni la soumission des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. Le « coût zéro » , autour duquel est construit le projet de l’UMP, masque un jeu de bonneteau dont précaires et salariés modestes seront les perdants.
« Toute dépense est » , certes, réputée être « compensée par une baisse de dépense au moins équivalente » .Mais dans sa comptabilité, l’UMP ne craint pas de mélanger des caisses distinctes. Son projet prévoit 30 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour l’État ? En contrepartie, 30 milliards d’économies de dépenses seront « réparties également entre Etat, Sécurité sociale [l’UMP regroupe sous cette appellation les assurances chômage et maladie, NDLR] et collectivités locales ».
La grande idée sur laquelle s’ouvre le projet de l’UMP est résumée dans une formule, « produire plus et dépenser moins » , d’où l’on peut aisément déduire qu’elle aboutira pour la plupart des salariés à « travailler plus pour gagner moins » puisqu’il s’agit avant tout d’ « alléger le coût du travail » . Le texte appuie le projet du gouvernement de transférer les cotisations familiales patronales « vers une fiscalité antidélocalisation » (TVA dite sociale) qui sera payée par tous, et va plus loin en annonçant qu’à terme les allocations familiales et l’assurance maladie « doivent être financées par la fiscalité générale et non […] par les cotisations sociales sur le travail » .
Sans surprise, l’UMP veut assurer aux « Français qui travaillent […] un revenu plus important qu’à ceux qui bénéficient des minima sociaux » , en plafonnant ces derniers. Le texte souhaite ainsi que « pour les bénéficiaires du RSA socle, le cumul des revenus sociaux, y compris ceux issus des droits connexes et tarifs spéciaux mis en place par les collectivités locales, ne dépasse pas 75 % du Smic » . Il veut aussi « rendre les allocations chômage dégressives dans le temps » et envisage de « diminuer le RSA socle pour les personnes qui refuseraient un contrat d’insertion ».
Sans surprise encore, le texte ne prévoit rien de nouveau pour le logement social mais veut « construire plus de logements intermédiaires pour les classes moyennes », simplifier « les normes d’urbanisme en zone tendue » , et « créer un bail gagnant-gagnant » qui, en échange de « loyers faibles », garantirait aux propriétaires des « procédures d’expulsion accélérées ».
En matière d’éducation, l’UMP donne l’autonomie de gestion budgétaire et de recrutement aux établissements primaires et secondaires. S’agissant de la justice, il porte à 80 000 les places de prison en 2017, supprime aménagements de peine automatiques, instaurer des « peines plancher pour les réitérants » … Si Nicolas Sarkozy espérait se présenter en rupture avec lui-même, c’est raté.