Grèce : « Sur le dos du peuple grec »
La zone euro annonce un nouveau plan de sauvetage, en échange d’un sucroît d’austérité. Selon l’économiste grec Athanase Contargyris, il fallait plutôt s’attaquer à la rémunération de la dette.
dans l’hebdo N° 1191 Acheter ce numéro
Plusieurs milliers de Grecs ont encore manifesté leur colère le 19 février devant le Parlement, pour dénoncer la cure d’austérité draconienne qu’ils subissent depuis des mois. De leur côté, les ministres des Finances de la zone euro ont approuvé un nouveau plan d’aide en faveur de la Grèce d’un montant de 130 milliards d’euros. Mais personne n’attend que ce plan règle les problèmes économiques grecs.
Ce énième plan pour la Grèce est-il la bonne réponse à la crise ?
Athanase Contargyris : D’abord, il faut préciser que le prêt consenti à la Grèce ira à plus de 80 % aux banques. Moins de 20 % iront donc au pays, dont une grande partie servira à payer les intérêts de la dette ! À la question « le plan est-il une bonne réponse pour résoudre le problème de la dette ?», la réponse est clairement non. Comme toujours depuis le début de cette crise, la partie de la solution qui va dans le bon sens, c’est-à-dire la réduction de la dette, arrive trop tard, ce qui la rend à la fois plus coûteuse et insuffisante.
Si une restructuration de la dette grecque de 30 % avait eu lieu au début de la crise, elle aurait pu être réduite de 130 % à 90 % du PIB et ainsi devenir soutenable. Aujourd’hui, avec une réduction annoncée de 70 %, la dette restera à un niveau de 130 % en 2020. C’est dû au fait que la moitié de la dette est devenue « intouchable » : elle est entre les mains du Fonds monétaire international et des États européens.
Si on voulait vraiment trouver une solution à la dette grecque (à ce stade, elle atteint 160 % du PIB), il aurait été plus efficace de réduire la rémunération de toute la dette à 1 % par an. La dette n’aurait coûté que 1,6 % du PIB par an, soit 3,2 % du budget de l’État. Mais cette hypothèse est présentée comme inconcevable, car elle supposerait que les banques prêtent à la Grèce au même taux que la Banque centrale européenne prête aux banques. Cela signifierait que les prêteurs de la Grèce cessent de gagner de l’argent sur le dos du peuple grec. Ce serait un mauvais exemple ! Les États surendettés pourraient – enfin – s’affranchir des menaces de mises sous tutelle de leurs créanciers et de perte de souveraineté…
L’effacement par les créanciers privés d’Athènes de 100 milliards d’euros de dette sortira-t-il le pays de la crise ?
Une dette « restructurée » qui reste à 130 % du PIB et qui est rémunérée à 4 %, cela représente plus de 5 % du PIB d’intérêts par an, soit plus de 10 % du budget annuel de l’État à consacrer au paiement de la dette pendant une période infinie. Ce qui ne peut conduire qu’à une perpétuation de la récession et de l’austérité. L’autre partie de la solution de ce plan, complètement erronée, consiste en des mesures supplémentaires qui conditionnent cette dette, notamment la réduction des salaires du privé de 20 %. Ces mesures aggraveront les déficits dans les budgets publics et sociaux, ce qui rendra la dette encore plus insoutenable.
Dans quel état l’économie grecque est-elle aujourd’hui ?
La récession cumulée est de 20 %, le chômage est à 20 %, et le seuil de pauvreté atteint plus de 20 % de la population, tandis que le chômage des jeunes monte à près de 50 %. Tous ces indicateurs seront aggravés par les mesures imposées en contrepartie de l’octroi de ce prêt de 130 milliards. Les sacrifices supportés par les Grecs sont déjà très lourds : les réductions des salaires, les augmentations d’impôts et des taxes, ainsi que l’augmentation du chômage ont déjà réduit leur pouvoir d’achat de plus de 20 %.
Certes, des résultats positifs existent et sont plus importants qu’on ne le laisse entendre : on constate une augmentation des exportations de 10 %, une réduction du déficit public hors charge de la dette de 9 % du PIB à 2,5 % et une réduction importante du déficit de la balance des paiements ainsi que la récupération en deux ans des gains de productivité perdus en dix ans. Mais ces résultats indiquent surtout que les sacrifices supplémentaires demandés à ceux-là mêmes qui ont été le plus durement touchés par les mesures d’austérité sont excessifs et injustifiés.
Les gouvernements se succèdent et sont désavoués. N’y a-t-il pas aussi un problème politique ?
Tous les plans ont été injustes socialement et moralement : ils font payer les retraités et les salariés du privé et du public, qui sont les seuls à avoir toujours déclaré l’intégralité de leurs revenus. Ceux qui ont fraudé sont en très grande partie amnistiés ou épargnés par la contribution au redressement des finances publiques, alors qu’ils sont en grande partie responsables de la crise. De plus, les dépenses qui auraient dû être diminuées en priorité, comme l’armement, sont sous la pression des pays créanciers et sont elles aussi épargnées, alors que des dépenses essentielles, tels les médicaments, sont radicalement réduites.
Personne, y compris parmi ceux qui ont voté ces mesures pour éviter une faillite qui les effraie, ne voit en elles un espoir de salut. Tous espèrent seulement gagner du temps en attendant qu’une Europe différente (peut-être après les élections françaises et allemandes) ose proposer les bonnes solutions qui remettront les intérêts financiers et les intérêts des pays à leur place, et permettront à la Grèce et à l’Europe de continuer d’exister.
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