L’écologie ? J’y pense et puis j’oublie…

Une amnésie collective sur l’état de la planète nous incite à reculer sans cesse l’urgence d’un changement radical.

Claude-Marie Vadrot  • 23 février 2012 abonné·es

Avant que les médias n’annoncent que l’écologie avait disparu de leurs radars, Philippe Dubois avait trouvé une part de l’explication : la population en général et les écolos en particulier ont perdu la mémoire. Ce qui tend à leur faire oublier l’urgence et les aide à relativiser. Ni les uns ni les autres ne sont en définitive capables de se souvenir, par exemple, de ce qu’était la biodiversité « avant » . Génération après génération, nous oublions cet « avant » . C’est pourquoi, selon Philippe Dubois, nous ne remontons pas très loin dans le passé pour établir des comparaisons avec la situation écologique actuelle. Ce qui peut nous conduire à un optimisme erroné. Ainsi, quand des scientifiques comparent le nombre des poissons demeurant dans la mer avec celui des stocks relativement récents, ils oublient que c’est la taille de ces poissons surtout qui a changé.

Autre exemple : la cigogne, qui, grâce aux efforts de la protection, est à nouveau présente sur tout le territoire. Nous croyons « qu’autrefois » elle ne résidait qu’en Alsace, alors que jusqu’à la fin du XIXe siècle, elle nichait dans pratiquement toutes les provinces françaises. Oublier ce passé empêche d’établir pour cette espèce une juste projection de son avenir.

Alors, dit l’auteur, «  l’amnésie, générationnelle ou individuelle, nous conduit à considérer tous les changements de la nature et tous les changements de nature comme des événements normaux, suivant des principes d’adaptation et d’évolution “naturels”, et donc à les assimiler à notre environnement quotidien » . Nous restons dans l’illusion que « l’on va pouvoir puiser dans une manne abondante sans se poser la moindre question sur la richesse de ces richesses premières » . Ce qui revient à pratiquer « la stratégie de l’autruche   ».

Autre oubli stigmatisé : en 1992, la Conférence internationale de Rio a solennellement annoncé qu’il nous restait dix ans pour sauver la planète. Vingt ans ont suffi pour que tout le monde oublie cette prophétie, devenue depuis réalité. Nous oublions aussi que « toute l’histoire humaine est jalonnée d’effondrements de sociétés comme de civilisations […]. Le monde de l’immédiateté […] éclipse complètement le temps écologique […]. De même, il feint d’ignorer la disparité « entre ceux qui sont restés au bord du chemin de la consommation […] et ceux qui en sont aujourd’hui les uniques bénéficiaires ».

D’où cette conclusion : « Ou bien nous allons évoluer rapidement […], ou bien une véritable révolution se fera jour de façon plus brutale. Ce choix, il est entre nos mains, nous les Occidentaux, les nantis du matériel, les consuméristes chroniques ; pour paraphraser le mot célèbre de Jacques Chirac  […]  *: “Le croupion brûle au soleil et nous avons la tête dans le sable.” »*

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