Les heures de maison
Les statistiques masquent une certaine inertie des évolutions dans la répartition du travail domestique. Explications.
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Un pas de géant du point de vue de l’humanité, un pas de fourmi à l’échelle individuelle. Avec l’arrivée des femmes sur le marché de l’emploi, la répartition des tâches domestiques entre les sexes a, sur l’ensemble de l’histoire, considérablement progressé – souvenons-nous de nos grands-mères qui lavaient à la main le linge de la famille pendant que grand-père rapportait l’argent au foyer.
Mais les choses avancent moins vite qu’on ne le croit dans la vie quotidienne des couples d’aujourd’hui. C’est ce que montrent les enquêtes « Emploi du temps » publiées par l’Insee. Conduites tous les dix ans environ auprès des Français de plus de 15 ans, elles comptabilisent les heures que les un(e)s et les autres passent à travailler dans la maison.
À première vue, on ne peut que constater un progrès réel. En 1974, les femmes assuraient 75 % du travail domestique (ménage, cuisine, courses, linge, soin aux enfants, jardinage…), contre 65 % en 1998. Il y a quarante ans, une femme y consacrait plus de 37 heures (sans RTT !) par semaine, contre 12 pour un homme. Orée des années 2000 : les femmes passent sous la barre des 30 heures/semaine, avec un peu plus de 21 heures en 2009-2010.
Où sont passées les 9 heures d’écart en dix ans ? Pas dans l’agenda de ces messieurs, dont le temps ménager stagne à quelque 15 heures par semaine depuis 1999. Le sociologue François de Singly (lire aussi page suivante) explique : « La légère diminution des heures de travail ménager des femmes dérive davantage de la compression historique de ce travail (par l’externalisation de certaines tâches notamment) que de la bonne volonté des hommes[^2]. » En clair, si les femmes passent 10 minutes de moins en cuisine en 2010 qu’en 1999, c’est parce qu’elles ont davantage recours aux plats transformés et aux livraisons de plats cuisinés (pour 7 % de ménages de plus qu’en 1999). Merci Findus !
Autres statistiques édifiantes, des études anglo-saxonnes montrent que les hommes estiment égalitaire la répartition des tâches quand ils réalisent un tiers du boulot. Les femmes, elles, abattent 73 % du travail avant de commencer à ressentir un sentiment l’injustice.
[^2]: L’Injustice ménagère, Armand Colin, 2007.