Mariage gay = égalité des droits ?
Selon une récente étude, 63 % des Français sont favorables à l’union des couples de même sexe. François Hollande se prononce pour le droit au mariage des homosexuels. Mais cette disposition suffirait-elle à garantir l’égalité des droits ?
dans l’hebdo N° 1189 Acheter ce numéro
En s’engageant à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, François Hollande propose d’abolir une discrimination. Il propose de mettre fin à une inégalité et de protéger tous les couples, indifféremment, dans le hasard et la diversité de leur composition, de leurs projets et des épreuves qu’ils traversent.
Le mariage est une institution républicaine qui protège le couple dans la société, et chaque époux à l’intérieur du couple. Comment accepter aujourd’hui que la République refuse cette protection à des citoyens sélectionnés en fonction de leur orientation sexuelle ? Nous accordons autant d’importance à l’amour entre deux femmes, entre deux hommes, qu’à l’amour entre une femme et un homme.
Il est temps de reconnaître à tous les couples le bénéfice des mêmes droits. Il est temps d’ouvrir à tous les couples la salle des mariages de nos mairies. Une telle réforme a une vertu pédagogique. Lorsqu’elles s’ouvrent à tous sans discrimination, nos institutions portent un message. Elles portent un message d’encouragement à ceux qui attendent un signe de la République pour vivre leur vie sans crainte et s’affirmer tels qu’ils sont. Elles portent un message de dissuasion à ceux qui, à la maison, à l’école, au travail ou dans la rue, se rendent coupables de violence à l’égard de ceux qu’ils jugent « inférieurs » parce que leur orientation sexuelle est minoritaire.
Elles adressent également un message à nos voisins belges, hollandais, espagnols ou portugais, dont le mariage n’est pas reconnu en France parce qu’ils sont deux époux ou qu’elles sont deux épouses.
Autrefois à la tête du combat pour les libertés individuelles avec la reconnaissance du Pacs, la France est désormais à la traîne. L’opinion publique ne l’accepte plus : 63 % des Français sont favorables à l’ouverture du mariage.
Avant son élection, en 2007, le candidat sortant avait proposé une « union civile » qui devait s’approcher d’un sous-mariage sans ouvrir de droits en matière de filiation, ainsi qu’un « statut du beau-parent ». Ces deux engagements ne faisaient que recycler, en les rebaptisant, deux réalisations du gouvernement Jospin : le Pacs, d’une part, et la délégation d’autorité parentale, d’autre part. De fait, aucun de ces deux engagements n’a été tenu.
La gauche s’est prononcée en faveur de l’égalité des droits. Cela veut dire ouvrir à tous les couples le même choix entre l’union libre, le Pacs et le mariage. Cela veut dire garantir aux enfants qui sont aujourd’hui élevés par des parents homosexuels les mêmes droits que ceux qui sont élevés par des parents hétérosexuels. Cela veut dire reconnaître qu’un enfant peut avoir pour parents deux hommes ou deux femmes, et établir la filiation sur d’autres bases que la biologie. Cela veut dire ouvrir l’adoption et la procréation assistée aux couples de même sexe.
Aucun député de gauche n’a voté contre l’ouverture du mariage, lorsque la proposition de loi socialiste a été débattue en séance, en juin 2011. La gauche est prête à voter, dès 2012, pour l’égalité des droits. Il est temps.
La notion de mariage gay n’est pas correcte. La question est de savoir si la différence de sexe demeure une condition sine qua non de l’institution matrimoniale.
La Cour de cassation et le Conseil constitutionnel ont récemment confirmé la dimension hétérosexuelle du mariage. Toutefois, les principales forces politiques proposent soit de l’ouvrir aux couples de même sexe (la gauche), soit de créer une union civile octroyant les mêmes droits au niveau du couple (UMP).
Dissocié de la filiation, le mariage ne peut plus se fonder sur la différence des sexes des partenaires. Par ailleurs, de nombreuses études démontrent que l’homoparentalité est une forme d’organisation familiale aussi épanouissante ou aussi problématique que l’hétéroparentalité.
Dans ce contexte, le principe selon lequel les personnes ne peuvent pas être traitées de manière moins favorable en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle s’applique aussi au mariage et à toutes ses conséquences juridiques. L’égalité des droits implique donc l’ouverture du mariage républicain à toutes les personnes indépendamment de leur sexe. Autrement dit, ce qui compte, c’est la volonté des partenaires (consentement) et non pas leur condition sexuée (masculine/féminine).
Égalité de droits (droits sociaux, réversion, réduction fiscale…) et égalité d’obligations (respect, fidélité, secours et assistance) aussi bien au niveau du couple qu’au niveau des enfants. Outre l’autorité parentale partagée, l’adoption conjointe devrait s’élargir aux couples de même sexe, comme le propose François Hollande.
Toutefois, l’égalité nécessite aussi l’ouverture du droit à l’assistance médicale à la procréation : EELV et les autres partis de gauche se sont prononcés de manière favorable. Pour ce faire, un changement des lois de bioéthique semble indispensable, de telle sorte que la condition de stérilité du couple puisse s’appliquer également aux unions de même sexe.
L’infertilité du couple est une fiction juridique (en réalité, il n’y a que les individus qui sont stériles), cette fiction pourrait donc s’appliquer aussi aux couples non pas biologiquement infertiles mais phénologiquement stériles. Cela mettrait un terme à la discrimination des lesbiennes. Mais pour que l’égalité soit complète, il faudrait légaliser la gestation pour autrui, seul moyen pour qu’un couple d’hommes puisse concrétiser un projet parental. Voilà pour l’égalité formelle.
L’égalité matérielle impliquerait d’appliquer les mesures correctrices aux couples de même sexe comme cela a été fait pour les autres minorités. Par exemple, l’action positive pourrait se faire valoir en matière d’adoption pour donner une priorité aux couples de même sexe, historiquement exclus de cette forme d’accès à la filiation.
L’égalité doit s’accompagner enfin d’un regard critique du droit de la famille, sinon il s’agit d’un simple alignement qui peut répondre à une politique d’uniformisation. La révision du mariage constitue une bonne occasion pour proposer une réforme du divorce afin de mettre fin à la notion de faute. Le devoir de fidélité tout comme les obligations alimentaires vis-à-vis de la belle-famille semblent des vestiges du droit canonique et nécessitent aussi une mise en question radicale.