Riposte Laïque déverse sa bile islamophobe devant la justice
Le directeur du journal en ligne Riposte Laïque et un rédacteur étaient jugés vendredi pour « incitation à la haine ». La LDH, la Licra, le Mrap, SOS Racisme et le Collectif contre l’islamophobie en France étaient parties civiles, dans un procès éprouvant.
Un torrent de haine se déverse dans la 17e chambre du Palais de justice de Paris. Vendredi 3 janvier, Pierre Cassen et Pascal Hilout, respectivement directeur de la publication et rédacteur du journal en ligne islamophobe « Riposte Laïque », comparaissaient pour deux textes publiés en octobre et décembre 2010 sur la toile. Devant un auditoire acquis à leur cause, ils ont maintenu leurs propos avec une virulence obsessionnelle.
Dans le premier article incriminé – « Pourra-t-on vaincre l’offensive islamiste par les seuls moyens démocratiques ? » – Pierre Cassen, qui se définit à la barre comme « laïc de gauche » , s’interrogeait sur la nécessité de « lutter contre l’islam par tous les moyens » en invoquant la « légitime défiance » . Le second texte, signé par Pascal Hilout sous le pseudo de « Cyrano », prolongeait les déclarations de Marine le Pen qui comparaît, en décembre 2010, les prières dans la rue à un signe d’ « occupation illégale » . Pour l’auteur du texte, les « opérations » de « conquête » et d’ « islamisation » de la France fomentées par les islamistes menacent de « nous faire disparaitre » , n’en déplaisent aux « islamogauchistes » et aux « collabos de gôche » (sic).
Paranoïa
Devant une foule compacte et enjouée, venue savourer l’instant, sept témoins de la défense se succèdent à la barre pour déverser une violente paranoïa ciblée contre l’islam, un «projet politico-religieux totalitaire et conquérant » , père de tous les maux. Une jeune mère de famille livre le récit larmoyant d’une agression, subie chez elle il y a quelques années, pour servir la thèse du musulman-délinquant-raciste. Un quadragénaire tente de dessiner, au nom de sa judéité, le portrait du musulman-antisémite. [firstHeading<-]
Le parlementaire suisse Oskar Freysinger (UDC, droite nationaliste) – qui revendique la paternité du référendum sur les minarets – défend le « principe de précaution » contre les musulmans. Etc, etc.
Le procès est bouillant, émaillé de nombreux incidents. Le public applaudit l’intervention de Pierre Cassen, réagit au débat et s’en prend, au cours d’une courte interruption de séance, à une représentante du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), voilée, qui a prit place au premier rang.
Haineux amalgame
« Ce sera eux ou nous » , lance Pierre Cassen devant le tribunal, faisant sienne une phrase antifasciste de Jean-Luc Mélenchon, en la détournant contre « l’islam » . « Qu’entendez-vous par « eux » ?» insiste à plusieurs reprises le tribunal, soucieux de faire la lumière sur un amalgame qui constitue le cœur des débats judiciaires. « Nous ne sommes pas contre les musulmans, insiste le prévenu, mais contre l’islam ». Mais la nuance ne tient pas, au cours d’un procès fleuve où les propos d’une violence inouïe s’enchaînent. «On peut toujours avoir une opinion sur une religion déterminée et l’exprimer , explique Nawel Gafsia, avocate du CCIF, mais il y a provocation à la haine lorsqu’on vise une population religieuse de façon globale, sans distinguer les personnes qui la composent » .
Les textes incriminés cultivent en effet une ambiguïté sans appel. « En 20 ans, le nombre de musulmans a augmenté […] de manière impressionnante », écrit ainsi le fondateur de Riposte Laïque pour avancer, toujours caché derrière la forme interrogative : « Ne doit-on pas prendre des mesures de sauvegarde contre l’islam, ce que les écologistes appellent “le principe de précaution“ ?» .
5000 euros d’amende
Riposte Laïque « monte en neige des incidents de la vie sociale pour produire des croyances fausses qui suscitent de la haine entre citoyens » , explique Jean Baubérot, historien et sociologue des religions et de la laïcité à l’EHESS, que le CCIF a appelé à témoigner aux côtés des sociologues Christine Delphy et Raphaël Liogier, dans l’un des rares moments de respiration de l’audience. Le Mrap, la Licra, SOS Racisme et la LDH s’étaient aussi portés parties civiles contre le site qui revendique 20 000 connexions par jour. « Il y a une responsabilité de la parole, quand on suscite de telles croyances, cela entraîne des actes de violence […] et les frictions sociales que l’on prétend combattre », observe Jean Baubérot qui évoque une « analogie très nette » entre l’antisémitisme de la fin du XIXe siècle et l’islamophobie actuelle.
Entre 2010 et 2011, les plaintes déposées après des actes et menaces anti-musulmans sont passées de 116 à 155, selon l’Observatoire national contre l’islamophobie, rattaché au Conseil français du culte musulman[^2]. Soit une augmentation de 33 %.
Vendredi, à l’issue des débats, le procureur s’est montré sévère en requérant trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende contre Pierre Cassen et deux mois et 3 000 euros contre Pascal Hilout. Le jugement sera rendu le 23 mars.
[^2]: Plaintes répertoriées par la sous-direction de l’information générale (SDIG)
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