Sarkozy cause du peuple

En meeting à Marseille, le Président a magnifié la France éternelle et peaufiné son numéro de candidat proche des citoyens.

Xavier Frison  • 23 février 2012 abonné·es

Illustration - Sarkozy cause du peuple

C’est un drôle de spectacle auquel ont assisté les 8 000 spectateurs du parc Chanot, dimanche 19 février, à Marseille. Dans le rôle du magicien à haut-de-forme et queue-de-pie, Nicolas Sarkozy. Dans celui de l’assistante vouée à disparaître dans un placard, la fidèle épouse, Carla Bruni, traits tirés, tenue chic.

En guise de cartes truquées et de lapins sortis du chapeau, un dessein : faire croire que Nicolas Sarkozy, président des riches et du bouclier fiscal, fossoyeur du « pouvoir d’achat » et du « travailler plus pour gagner plus » , placeur de fiston à l’Epad, ami des patrons du CAC 40 et impliqué en politique depuis plus de trente-cinq ans, est subitement devenu le « candidat du peuple ». Et même, mesdames et messieurs, sous vos yeux ébahis, le candidat « hors système » fustigeant « l’entre-soi des élites politiques, économiques, administratives et syndicales » , comme vanté à Annecy le 16 février.

À Marseille, Nicolas Sarkozy commence par déclamer son amour à la France, dans une manière d’étrange poème. « Jeune, j’ai aimé la France sans le savoir […] *. J’aimais des chansons, des musiques, des livres *  [sic]. » Et Carla Bruni, assise au premier rang, de joindre les mains en un geste de prière.

Passé cette pénible tirade, une incongrue proposition de diminuer le nombre de parlementaires et le projet déjà évoqué en 2007^2
d’introduire « un peu de proportionnelle » aux législatives. Pas grand-chose de neuf à se mettre sous la dent. Un peu de compassion –  « Je sais mieux que personne toutes les souffrances et toutes les difficultés que cette crise a créées »  –, un peu de contrition –  « Je ne prétends pas que l’on a tout réussi »  – et beaucoup d’autosatisfaction face à la menace de l’effondrement de l’économie : « Nous avons réussi à éviter cette catastrophe. » Bien sûr, « l’endettement a augmenté », « les fins de mois sont plus difficiles », « il y a plus de chômeurs », « il est difficile de se loger », « on ne pourra plus partir à la retraite à 60 ans » , « il va falloir travailler plus longtemps » … Mais, sans Nicolas Sarkozy, « où en serions-nous aujourd’hui ? » Vaste question.

Suit la réclame des thèmes déroulés depuis le 15 février, le travail, la famille, le nucléaire, les retraites, la lutte contre l’assistanat, les 35 heures, l’immigration et la « dérive communautariste » . Sans oublier l’attaque désormais inévitable des « élites » , justifiant la nécessité du référendum à toutes les sauces. Pour le président auto-augmenté en 2007, une partie des élites « n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités en s’octroyant des rémunérations qui défiaient le sens commun   ». Sarkozy ne sera pas « le candidat d’une petite élite contre le peuple » .

Un positionnement qui n’a pas convaincu Fabienne, 48 ans, militante UMP à Marseille et sarkozyste à 100 % : « Il fallait bien qu’il trouve quelque chose pour cette campagne. Et les attaques contre les élites, c’est pour rassembler un maximum… » Nicolas, 24 ans, jeune homme cool de retour de huit mois en Australie, est sceptique sur l’idée du référendum : « Cela risque de ne pas être compris, les gens ne sont pas forcément compétents pour juger des problèmes évoqués. »

Une heure avant la prestation du président-candidat, dans la frénésie de l’avant-meeting, Jean-François Copé rejoignait au pas de course le devant de la scène et les cadors du gouvernement. Au moment de franchir le seuil séparant la salle de presse du hall public, le soulier du secrétaire général ripait sur le sol. Un collaborateur le retenait par les reins, in extremis. À l’image de Jean-François Copé, après Marseille, le « candidat du peuple » marche encore de guingois.

Politique
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