Second Tour de Zebda : un candidat à cinq têtes
Un album de retrouvailles, doté d’un fort désir de reconstruction sociale.
dans l’hebdo N° 1188 Acheter ce numéro
La jaquette arbore des coureurs black, blanc, beur en plein effort dans un virage. Mais c’est moins à un second tour de piste que le nouvel album de Zebda renvoie qu’à une échéance électorale. Rien de triomphal à première vue. Les morceaux de bravoure qui ont fait sa réputation par leur charge musicale, poétique ou politique – « Mon père m’a dit », « Le bruit et l’odeur », « Ma rue », « La faucille et le marteau » ou « Oualalarradime » – laissent ici place à une composition adagio ma non troppo.
Des contes sociaux à plusieurs voix sur de bons petits skas, des mélopées orientalisantes, de la pop… Second Tour a comme un air de déjà entendu. Leur campagne de 1998 ! Il y a plus que des ressemblances avec l’album Essence ordinaire, des jeux d’échos entre des morceaux comme « les Proverbes » et « Y’a pas d’arrangements », « Un je ne sais quoi » et « Je crois que ça va pas être possible », « Tu peux toujours courir » et « Né dans la rue » … Ce qui témoigne au moins d’une fidélité à ses engagements, sinon d’un renouvellement, à l’heure de la reformation du groupe.
Plus qu’un collectif : un candidat à cinq têtes. Car, à y regarder de plus près, Second Tour dessine un projet de société : y’a que Zebda pour faire rimer « Mourad » et « Pléiade » , mêler le réchauffement climatique et le port de la burqa, placer dans un refrain « Un je ne sais quoi qui m’agace, un je ne sais quoi de sa race » , ou mettre en vers le drame des Harragas et railler les méfaits d’Hortefeux, un texte vomitif de Michel Houellebecq, les cadors qui font ramadan toute l’année et les biens mal acquis qui profitent bien au chaud à Maisons-Laffitte…
On peut guetter les accents d’audace ou de nouveauté, les particularités tirées des expériences individuelles des musiciens ces six dernières années, mais, ce qui émerge, c’est le projet d’équipe qui les a soudés. Un soupçon de vision en plus, peut-être une larme de variations musicales en moins. Reste que Zebda, c’est d’abord un groupe de scène. Et Second Tour s’enflamme avec de jolies sessions de cuivres dans « la Promesse faite aux mains », « Un je ne sais quoi » ou « Les Deux Écoles » . Cette chanson qui navigue entre deux leçons d’autonomie : remplir sa tête ou remplir ses poches. Les réconcilier, tout un programme.