Un pesticide reconnu coupable

L’agriculteur Paul François, intoxiqué par un herbicide, a obtenu que soit condamnée la firme Monsanto. Une victoire importante alors que le Salon de l’agriculture ouvre ses portes cette semaine.

Elodie Corvée  • 23 février 2012 abonné·es

Paul François a gagné une victoire à la David contre Goliath dans le procès qui l’opposait à Monsanto. La firme a été jugée responsable par le tribunal de grande instance de Lyon de l’intoxication de l’agriculteur charentais, et condamnée à lui verser des dommages et intérêts.

Invalide à 50 % depuis qu’il a inhalé les vapeurs de l’herbicide Lasso produit par Monsanto, Paul François est le premier à obtenir gain de cause dans la reconnaissance d’un lien de cause à effet entre un pesticide et une maladie. Jusqu’à présent, aucun expert n’avait pu prouver ce lien, la composition chimique des produits étant protégée par le secret de fabrication.

« Paul François est tombé malade tout de suite après avoir inhalé l’herbicide. Des toxicologues ont pu établir que ses symptômes étaient dus au produit » , explique François Veillerette, président de Générations futures, association de lutte, entre autres, contre les pesticides. Que les symptômes se déclarent si tôt est chose rare. Ils apparaissent en général des années plus tard, ne permettant plus d’identifier le produit qui en est la cause. Difficile alors d’apporter des preuves tangibles d’une intoxication devant un tribunal.

De fait, juger de telles affaires peut se révéler très compliqué. Les parties s’appuient à chaque fois sur « des points de droit ­extrêmement étroits » , indique François Veillerette. À l’instar de ce procès déclenché par des habitants de Corrèze en janvier 2011 : résidant à proximité de vergers, ils subissent depuis longtemps les effluves des pesticides pulvérisés de façon illégale par les pomiculteurs. La loi autorise leur épandage à condition que la force du vent ne dépasse pas 19 km/h. Une ­condition peu souvent respectée. Lors du procès, l’accusation portait sur les journées des 24 et 26 mars 2010, quand les pomiculteurs ont dispersé leurs pesticides alors que Météo France enregistrait des vents de plus de 30 km/h. Les accusés ont finalement été relaxés au bénéfice du doute, les juges ne considérant pas les bulletins météo comme des preuves suffisantes.

La Semaine pour les alternatives aux pesticides. Un avenir sans pesticides, c’est possible. C’est ce que démontre chaque année la Semaine pour les alternatives aux pesticides. Afin d’interpeller les candidats à la présidentielle, la 7e édition aura lieu du 20 au 30 mars, quelques semaines avant l’élection. L’objectif est de mobiliser et de réfléchir aux alternatives possibles pour une agriculture saine. Au menu : projections de films, conférences-débats, expositions, ateliers, animations pédagogiques… Organisé par l’Action citoyenne pour les alternatives aux pesticides et Générations futures, l’événement s’enrichit chaque année de nouveaux partenaires. L’année dernière, plus de 750 actions d’information et de sensibilisation ont été organisées partout en France et dans seize autres pays.
La complexité des affaires mettant en cause les pesticides résulte également de la composition des produits. Le rapporteur du Conseil d’État a exigé lundi 13 février un nouvel examen du désherbant Roundup Express, produit par Monsanto et destiné aux jardiniers amateurs. L’agriculteur biologique charentais Jacques Maret ainsi que Générations futures sont à ­l’origine de cette requête, au motif que certains éléments dans la composition du désherbant (des adjuvants censés accroître son efficacité) n’avaient pas été considérés comme « substances actives » . Ils n’ont donc pas été pris en compte dans l’évaluation de la toxicité du produit ni son homologation. « C’est un jeu de cache-cache scandaleux. Aucune équipe scientifique ne fait d’étude indépendante pour évaluer les effets des molécules de ces produits, qui sont protégés par les secrets de composition. On se bat de façon dissymétrique » , déplore François Veillerette.

Depuis les engagements du Grenelle de l’environnement (réduire de moitié l’usage des pesticides entre 2001 et 2018), peu d’avancées ont été rendues ­possibles. Jean Sabench, membre de la Confédération paysanne : « Alors qu’on prévoit – 50 %, on est à + 3 %… » Le manque de volonté politique est flagrant. « On a bien vu que Nicolas Sarkozy promettait des règles encore moins strictes lors de ses vœux à la profession » , poursuit-il.

Souvent pointés du doigt, les agriculteurs sont pourtant les premières victimes de ce système agricole qui pousse à une utilisation de plus en plus massive de pesticides pour améliorer les rendements. Des victimes silencieuses qui se sentent coupables d’utiliser des produits qu’elles savent dangereux. La victoire de Paul François contre Monsanto constitue sans aucun doute une avancée. « Cela va aider les victimes à être reconnues » , estime François Veillerette. Alors que la profession sera sous les projecteurs du Salon de l’agriculture de Paris du 25 février au 4 mars, il s’attend à voir d’autres agriculteurs sortir du silence.

Écologie
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