Bois : des filières pleines de vices

Une réglementation européenne s’attaque au trafic qui pille les forêts. En France, peu de produits offrent une garantie.

Patrick Piro  • 15 mars 2012 abonné·es

Après des années de lutte, les mouvements écologistes ont fini par convaincre l’Union européenne que la manière la plus efficace de lutter contre le pillage des forêts était de s’attaquer aux marchés : l’essentiel du bois extrait d’Amazonie, du bassin du Congo ou d’Indonésie, zones tropicales les plus concernées, alimente les marchés des pays industrialisés occidentaux ainsi que l’Asie, de plus en plus, Chine en tête.

En 2008, en France, selon l’association WWF, plus d’un million de mètres cubes de bois étaient présumés issus de filières illégales – de l’ordre du tiers des importations. Le pays, l’un des moins vertueux d’Europe, importe majoritairement depuis les zones critiques, y compris la Russie, ou bien indirectement via la Chine (réexportation sous forme de produits transformés) ou la Belgique (grumes africaines).

En octobre 2010, était adopté le Règlement bois de l’Union européenne (RBUE), visant à responsabiliser le marché pour assurer la légalité des ventes. Il entrera en vigueur en mars 2013.

Ce règlement imposera de mentionner la provenance et l’essence du bois sous son nom latin, le seul à même de discriminer les diverses appellations commerciales et d’identifier s’il s’agit d’une espèce protégée. Surtout, les entreprises devront pouvoir prouver la légalité du produit, analyser les risques d’infraction et s’assurer de n’acheter aucun bois « illégal » – c’est-à-dire contrevenant à la législation du pays de coupe. Ce système dit « de diligence raisonnée » pourra être sous-traité à un organisme de contrôle ad hoc reconnu par l’Union européenne.

Les circuits de commercialisation n’ont pas été pris par surprise : l’adoption du RBUE a pris des années. Pourtant, les marchands de matériaux et de produits dérivés montrent un état d’impréparation assez généralisé, révèle un « baromètre bois » que vient de publier l’association WWF.

Sur 2 700 articles examinés chez 35 enseignes de quatre secteurs (matériaux, bricolage, ameublement et décoration, grande distribution), plus de 60 % (hors produits certifiés, voir plus bas) n’indiquent même pas la provenance du bois : les vendeurs l’ignorent ou préfèrent ne pas en faire état s’il s’agit d’une zone à haut risque de trafic, d’une région de conflit, voire subissant des sanctions de l’ONU. Très peu d’entreprises spécifient également le nom latin des essences.

Le baromètre WWF porte une attention particulière à l’existence d’une politique « bois » dans ­l’entreprise (critères d’achat, plan d’amélioration, objectifs, indicateurs…), signalant une prise de conscience : seulement un tiers d’entre elles en sont dotées, et l’association ne délivre une bonne note que dans trois cas[^2]. Néanmoins, le WWF met en garde : le RBUE ne vise qu’à la légalité du commerce du bois. Une étape utile mais insuffisante pour assurer une protection durable des forêts : les codes forestiers, dans de nombreux pays, sont faibles. Ils ne visent pas nécessairement l’exploitation durable, la préservation de la biodiversité ni l’intérêt des populations.

C’est pour atteindre ces objectifs que, depuis quelques années, des certifications ont été créées, à l’instigation d’acteurs écologistes (dont le WWF). Parmi les deux labels rencontrés en France, PEFC (Pan European Forest Certification) et FSC (Forest Stewardship Council), ce dernier, plus spécifique aux forêts tropicales, est de loin le plus exigeant sur les volets environnementaux et sociaux, et la plupart des associations le recommandent.

Les produits certifiés FSC restent pourtant l’exception dans les rayons : à peine 10 %, évalue le WWF, qui note cependant une lente progression (4 % en 2008). Jardiland est la seule enseigne, sur les 35 classées dans le baromètre, à dépasser la moyenne sur ce critère.

[^2]: Ikea, Maison du monde et Castorama (meubles, décoration), qui font aussi partie des meilleures des dix enseignes (sur 35) qui dépassent la moyenne pour la note globale, avec Carrefour (grande distribution), Bricodépôt, M. Bricolage, Weldom (bricolage) et Point P (matériaux de construction).

Écologie
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