C’est quoi, une sécurité de gauche ?

Souvent taxée de laxisme par la droite, la gauche veut démontrer qu’une politique de sûreté efficace et citoyenne est possible.

Ingrid Merckx  • 22 mars 2012 abonné·es

Illustration - C’est quoi, une sécurité de gauche ?

«L’insécurité, c’est toi, Sarkozy ! » Le 9 mars, les protestataires attendaient le Président, en déplacement à Saint-Just-Saint-Rambert (42). En 2007, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait fait de la sécurité son thème de campagne. En 2012, le halal occupe les débats, Sarkozy n’est plus le premier flic de France et la Révision générale des politiques publiques (RGPP) a entamé sa cote de popularité auprès des forces de l’ordre…

Les syndicats de la police réclamaient le 2 mars la fin du « un sur deux » (non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux), qui « est en train de détruire la Police nationale » , a affirmé Nicolas Comte, secrétaire général d’USGP-FO, premier syndicat des gardiens de la paix.

Le maintien de l’ordre est traditionnellement perçu comme une valeur de droite. Mais les échecs de la politique sécuritaire et le maintien sous pression d’une police en sous-effectifs pourraient changer la donne. Au sortir de ce quinquennat, police et gendarmerie seraient « dans un trouble profond » , estime Patrice Bergougnoux, ancien directeur général de la police, dans l’Intérieur (Fayard), livre d’entretiens qui vient de paraître. « La transformation des résultats statistiques en outils de communication a une conséquence néfaste : dix ans plus tard, personne ne croit plus aux chiffres. » En outre, ils « robotisent » le comportement des agents qui, coupés de la réalité, ne pensent plus leur action.

N’en reste pas moins l’argument central de la droite, selon lequel la gauche a échoué sur le plan de la sécurité, en raison d’un trop grand laxisme dans les quartiers sensibles, notamment avec les « caïds » et les trafiquants de drogue… La gauche serait complexée sur la question. Est-ce si vrai ? La claque de 2007 a fait réagir : « Il n’y a pas d’idéologie sur la sécurité » , a déclaré Martine Aubry en actant le « pacte ­national de protection et de sécurité » du PS le 17 novembre 2010. « Nous devons nous préparer pour 2012 » , avait ajouté François Rebsamen, sénateur et maire de Dijon, assurant : « Nous rétablirons l’ordre. » Depuis 2010, le député-maire (PS) d’Évry, Manuel Valls, actuel directeur de campagne de François Hollande, prône « un discours de gauche décomplexé » sur la sécurité et supplie son camp d’assumer « une politique répressive sans complexes » . Ce qui lui a valu le surnom de « Sarko de gauche », rappelle Laurent Mucchielli dans Vous avez dit sécurité ? (Champs social/leMonde.fr). Le sociologue lui trouve une « posture autoritaire et populiste » , et voit en lui un partisan d’une justice expéditive, notamment à travers son essai Sécurité, la gauche peut tout changer (Du moment).
Manuel Valls reste néanmoins bien placé pour briguer un portefeuille de ministre de l’Intérieur. Il arriverait cependant derrière le monsieur sécurité du candidat socialiste, François Rebsamen, secondé par le député Jean-Jacques Urvoas. Le nom de Claude Bartolone circule également.

Il existe bel et bien une sécurité de gauche, insiste Patrice Bergougnoux : prévention plutôt que répression, une police proche de la population (éventuellement qui lui ressemble), des effectifs de police et de gendarmerie augmentés, de meilleures relations avec la justice, une moralisation des pratiques en matière de renseignements, de vidéosurveillance et d’intervention, et plus de transparence dans les résultats. Soit une « police républicaine » , comme l’ont défendue Jean-Pierre Chevènement et, surtout, Pierre Joxe. « On a fait croire aux Français que la sécurité était un problème simple , souligne Patrice Bergougnoux. La lutte contre l’insécurité appelle un ensemble de politiques publiques en matière d’urbanisme, de logement, de justice, sans oublier l’éducation et le cadre de vie. »

À Dijon, ville de François Rebsamen, François Hollande a dévoilé le 6 février son programme en matière de sécurité. « Même sur ce terrain-là, la droite est en danger aujourd’hui, a-t-il déclaré. Il faut la chercher sur son bilan et montrer que nous avons les capacités de faire mieux. »

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