Faut-il débattre avec Marine Le Pen ?
L’association AC Le Feu a convié la présidente du FN à débattre, pour en finir avec une certaine hypocrisie. France nature environnement s’y refuse, considérant que le parti de Marine Le Pen exclut de manière constante une partie de la population.
dans l’hebdo N° 1192 Acheter ce numéro
Nous avons ouvert le « Ministère de la crise des banlieues » le 21 février 2012 et, d’emblée, nous avons voulu inviter tous les candidats à l’élection présidentielle à venir nous rencontrer et débattre autour de nos propositions sur les quartiers populaires en France. Donc également Marine Le Pen, parce que nous respectons la démocratie. Tant que son parti existe légalement et se présente aux élections, nous ne voyons pas pourquoi nous ne la convierions pas à venir écouter nos revendications concernant les banlieues.
Des banlieues sur lesquelles ce parti n’a d’ailleurs jamais hésité à cracher, particulièrement sur les populations qui y vivent et que nous défendons : musulmans, personnes issues des différentes vagues d’immigration… Mais le Front national n’est pas le seul à pointer ces populations du doigt : c’est aussi le cas de l’UMP et même d’une partie de la gauche. C’est pourquoi nous ne trions pas entre les candidats, tant que leurs formations sont autorisées. À « AC Le Feu », nous sommes des démocrates et des républicains. Nous contactons donc tous ceux qui se présentent aux élections.
Il faut arrêter avec cette question hypocrite : le Front national a servi de spectre à la gauche institutionnelle pour maintenir nos parents dans le vote obligatoire pour cette gauche-là. Il n’est plus question que nous tombions dans ce piège ! Je dois néanmoins ajouter que, constitutionnellement et légalement, un parti raciste dans la République française ne peut pas exister : il y a tout un attirail légal pour l’empêcher. Au niveau européen, on a vu des partis racistes être interdits dans beaucoup de pays. Si le Front national ne doit pas exister au motif qu’il est raciste, alors il faut l’interdire.
La guéguerre entre formations politiques pour apparaître la plus « noble » face au Front national ne nous intéresse pas : en tant que démocrates et républicains, nous acceptons donc de lui soumettre nos propositions, ce qui ne veut pas dire que nous sommes d’accord avec lui, très loin de là ! Nous le considérons même comme faisant partie de nos ennemis, mais il n’est pas le seul. Le mal qui a été fait aux quartiers populaires ne vient pas que de l’extrême droite.
Soyons clairs : personnellement, je ne comprends pas que ce parti soit toujours autorisé, mais puisqu’il l’est, nous devons lui soumettre nos idées et nos revendications, comme à toutes les formations politiques existantes.
Par ailleurs, nous avons vu une fois de plus comment Marine Le Pen fonctionne : suite à notre invitation au « Ministère de la crise des banlieues », elle a déclaré sur le plateau de Canal Plus qu’elle allait « partout où on l’invite ». Or, elle n’est pas venue. C’est juste une mythomane, comme de nombreux politiques !
On ne l’oubliera pas. Marine Le Pen pouvait très bien ne rien dire, ou répondre qu’elle verrait. Si elle s’engage, elle doit avoir le courage de venir. Le français est une langue qui permet des nuances, où les verbes peuvent se conjuguer au conditionnel, n’est-ce pas ? Mais on ne s’engage pas à la télévision pour ensuite ne pas tenir sa parole !
Prochain livre à paraître : J’ai un rêve, Axiom, Denoël, 32 p., 3,50 euros. En librairie le 8 mars.
Lors de son 36e congrès consacré à l’« Appel des 3 000 pour un contrat environnemental », France nature environnement (FNE) a invité sept candidats à l’élection présidentielle [voir Politis du 2 février, n° 1188], en faisant le choix de ne pas convier ceux issus de partis excluant de manière constante une partie de la population. De ce fait, Marine Le Pen n’était pas invitée. Était-ce une erreur ?
A posteriori, on peut en douter au vu de ses déclarations du 13 février dernier sur le parvis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) : « Ma première proposition aujourd’hui est donc la suppression dès 2013 du Conseil économique, social et environnemental et de ses démembrements régionaux. » Quoi que l’on puisse penser du Cese et des Cese régionaux (Ceser), ce type de proposition laisse songeur quant à sa « vision » du dialogue avec les organisations représentant la société civile ! D’autant plus que, dans la suite de sa déclaration, Mme Le Pen ne propose aucune alternative…
France nature environnement, rappelons-le, est un mouvement fédéral comptabilisant un peu plus de 3 000 associations et totalisant environ 850 000 militants qui se retrouvent dans un ensemble de valeurs et œuvrent, non pour défendre des intérêts catégoriels, mais bien en faveur de l’intérêt général. En amont de notre 36e congrès, nos instances dirigeantes ont débattu de l’opportunité d’inviter ou non Mme Le Pen. Notre choix s’est alors fondé sur des valeurs auxquelles nous sommes particulièrement attachés. Parmi ces valeurs républicaines, figurent notamment la fraternité et l’humanisme ainsi que la laïcité.
Ceux qui se rassemblent au sein de FNE, mouvement démocratique, ont des opinions et des origines différentes. Ils ne votent pas de la même façon, ils ont aussi des préférences religieuses distinctes, et chacun se doit de respecter ces différences qui ne sont pas évoquées pour justifier nos prises de position. Il est donc hors de question de rejeter une partie de la population, mais plutôt, à l’inverse, d’ouvrir nos portes à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent s’engager autour d’un objectif largement partagé : la préservation de la nature.
La laïcité est pour nous une valeur essentielle. La séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse n’est pas négociable. Comme nous sommes indépendants des pouvoirs étatiques et territoriaux et des partis politiques, nous le sommes vis-à-vis des religions. Le Front national s’est depuis longtemps démarqué de la laïcité en faisant de la religion un argument de stigmatisation ou d’appartenance.
Ainsi, lorsque ce parti a diffusé en 2010 une affiche dont le slogan était « non à l’islamisme » mais dont l’illustration montrait la France métropolitaine recouverte d’un drapeau algérien, l’objectif était bien de faire l’amalgame entre islamistes et personnes d’origine algérienne.
Alors, non, décidément non, pour France nature environnement, il ne fallait pas inviter Marine Le Pen, même si elle représente aujourd’hui un pourcentage non négligeable d’intentions de vote.