La balade de NKM
En déplacement dans l’Essonne et le Loiret, la porte-parole de Nicolas Sarkozy opère en toute discrétion. Reportage.
Ceux qui lui reprochent, dans son propre camp, de ne pas occuper suffisamment le terrain y trouveront peut-être à redire. N’empêche, jeudi 15 mars, Nathalie Kosciusko-Morizet avait décidé de battre la campagne, entre Villebon-sur-Yvette (Essonne), petite commune de sa circonscription, et Saint-Denis-en-Val, dans le Loiret. Pas vraiment des mégalopoles pour la porte-parole de Nicolas Sarkozy, accompagnée d’une poignée de journalistes seulement. « Un choix, parce qu’une forêt de caméra cela peut intimider les gens » , assure-t-elle, après s’être intéressé à l’étal du poissonnier de Saint-Denis-en-Val, 7 200 habitants : « Il n’y a que du frais ? Pas de surgelé ? » Non, que du frais, et de Rungis, s’il vous plaît.
Il faut dire que le même jour, Nicolas Sarkozy était en déplacement dans la Marne, cependant que les ouvriers d’ArcelorMittal, massés près du siège de campagne du XVe arrondissement de Paris avant le départ pour l’Essonne, se faisaient asperger de gaz lacrymogène. Pour eux, elle aura ces mots, entre la boutique du boucher et le buraliste : « Ils ne sont pas venus pour parler avec nous mais pour parler d’eux. C’était une opération médiatique à grand renfort de caméras, une opération dans laquelle ils ont cherché à attirer les regards avec une certaine violence. »
Autre actualité du jour, devant le Conseil constitutionnel, en fin d’après-midi, la presse se massait pour voir Eva Joly apporter ses parrainages. Dommage, car pendant ce temps, on visitait les locaux dionysiens de l’entreprise Coraloisirs, spécialisée dans la fabrication de constructions en bois. Madame conçoit les modèles de chalet et de pièces diverses, monsieur fabrique. « Moi ça me va que les femmes créent et que les hommes travaillent » , lâche l’ex-ministre de l’Écologie, à l’aise au milieu des copeaux de bois. À l’écart, Romain, 28 ans, ouvrier menuisier, s’étonne un peu de ce débarquement incongru. « Moi, je ne voterai pas pour Sarkozy , confie-t-il d’une voix douce. Ça fait cinq ans qu’il est là, il n’a rien fait de bien. Quant à ses propositions actuelles, ce sont encore de belles paroles, comme d’habitude, rien ne va changer » . Au loin, le cortège s’engouffre dans un chalet en bois.
Un peu plus tôt, la journée avait commencé par la visite d’un chantier des Maçons parisiens, à Villebon-sur-Yvette. Tout sourire, le PDG de cette scop, François Mortegoutte, assure la visite de ces logements sociaux en devenir.
Casque de chantier, sol gluant pour tout le monde et des questions de la porte-parole : « Comment ça se fait que l’on construise plus dans le secteur des bureaux que dans le logement ? » Affairé sur le chantier, Mickaël, un apprenti de 20 ans, a reconnu NKM. Pas franchement emballé : « Moi, je ne suis pas trop Sarko. À cause de la réforme des retraites, et puis son bilan est catastrophique. Sur les cinq dernières années, le chômage a aussi explosé. S’il avait fait ce qu’il avait dit en 2007, on y croirait aujourd’hui. »
Avant de quitter les lieux, monsieur Mortegoutte dégotte un ouvrier électricien qui « tenait à [vous] saluer » . « Vous avez déjà posé les appliques ? , s’enquiert Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est quoi comme appliques ? Vous pensez que ça va être bien ? » Au revoir et merci bien, direction le siège des Maçons. Où l’on rappelle l’appétence historique des gaullistes pour le modèle de la Scop. Un idéal dont on a peiné à voir l’influence pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais qu’importe. Dans les couloirs, un chef de chantier qui porte ses 48 ans avec élégance est montré en exemple de réussite. « Les métiers du bâtiments conservent ! » , s’exclame Nathalie Kosciusko-Morizet. À l’écart, dans un sourire gêné, l’homme avouera au sujet de la présidentielle : « Je n’ai pas encore fait mon choix » .
Quelques instants plus tard, autour d’une table de réunion, NKM regrette l’échec de la reprise de SeaFrance par les salariés : « Sur SeaFrance, j’aurais aimé réussir, mais ce n’était pas l’objectif de certains syndicats. » Avant de prendre congé, la porte-parole s’empare d’une tasse griffée aux armes des Scop et pose pour les photographes, ravie du slogan affiché en lettres grises : « La démocratie nous réussit ».
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