Le coup du « coût du travail »
Une étude de l’Insee dément la thèse présidentielle d’une main-d’œuvre plus chère en France qu’en Allemagne.
dans l’hebdo N° 1192 Acheter ce numéro
L’intox continue sur le coût du travail en France. Devant l’Assemblée nationale, le 21 février, Valérie Pécresse, ministre du Budget, et avec elle la droite, s’appuyait sur une récente étude de l’Insee « sur le coût du travail comparé entre la France et l’Allemagne » pour conforter la thèse de l’impact négatif des 35 heures sur la compétitivité des entreprises françaises. Le Président candidat Nicolas Sarkozy en a fait le cheval de bataille de sa politique industrielle, annonçant même une « fiscalité antidélocalisation » .
Il fallait aussi un cabinet d’études économiques proche du Medef, Rexecode, pour rendre crédible, sur la base de données erronées, un « allégement » du coût du travail, celui-ci étant plus élevé en France qu’en Allemagne. Désormais, on saura que c’est de l’enfumage : les experts de l’Insee ont mis en évidence plusieurs idées reçues sur le coût de la main-d’œuvre en France dans leur publication annuelle « Emploi et salaires » [^2].
Si la France fait partie des pays européens à coût de main-d’œuvre élevé, « la seule prise en compte du coût horaire de la main-d’œuvre ne permet pas de tirer des conclusions en termes de compétitivité. Il faut également tenir compte de la productivité horaire » , soulignent les auteurs. Ainsi, dans l’industrie, le « coût salarial unitaire » , c’est-à-dire le coût moyen de la main-d’œuvre par unité produite, a baissé en France entre 1996 et 2008, de 0,5 % par an. Le coût du travail a donc baissé ces dernières années.
De plus, toujours dans l’industrie, ce coût est similaire en France et en Allemagne. Les experts de l’Insee balaient aussi l’idée selon laquelle les 35 heures ont nui à la compétitivité. Selon eux, la diminution du temps de travail effectif n’explique « qu’environ 10 % » de la hausse du coût horaire de la main-d’œuvre entre 1996 et 2008. Enfin, la mise en place de la TVA prétendument « sociale » pour diminuer le coût du travail est battue en brèche : l’Insee considère « qu’à moyen terme le taux de cotisations sociales employeurs n’est pas un déterminant du coût horaire » . Un programme présidentiel s’écroule.
[^2]: Le coût de la main-d’œuvre : comparaison européenne 1996-2008, « Emploi et salaires » , Bertrand Marc, Laurence Rioux, édition 2012.