Le dépanneur tardif

Lejaby, Petroplus… Nicolas Sarkozy se découvre une vocation de sauveur d’usines en difficulté. Pourquoi seulement maintenant ?

Michel Soudais  • 8 mars 2012 abonné·es

Illustration - Le dépanneur tardif

Surprise du chef, le 1er mars, dans la matinale de France Inter. Nicolas Sarkozy, sans même être interrogé sur le sujet, annonce le prochain redémarrage du site sidérurgique de Florange, où les deux ­hauts-fourneaux sont à l’arrêt depuis des mois.

Au micro, le ­président-candidat se vante d’avoir eu la veille « une longue réunion de travail avec Lakshmi Mittal »  et claironne : « À la demande de l’État français, ArcelorMittal va investir maintenant 17 millions d’euros à Florange. » Fier de son effet, il détaille cette enveloppe qui, précise-t-il, sera confirmée par un communiqué de l’entreprise dans les heures qui viennent : 2 millions vont permettre de « réaliser les travaux » sur le 2e haut-fourneau du site, à l’arrêt, qui « repartira au 2e semestre 2012 »  ; « 7 millions d’euros vont être investis dans un nouveau gazomètre pour la cockerie à Florange, et 8 millions d’euros seront investis afin de développer de nouveaux produits destinés au marché de l’automobile » .

Aux auditeurs qui l’ignoreraient, le chef de l’État rappelle « que Florange, c’est 2 667 salariés, dont 500 en situation de perdre leur emploi si le haut-fourneau ne repart pas » . Car ce que le candidat est venu « vendre » ce matin-là sur la radio de service public, ce sont « ses » sauvetages d’entreprise, « du concret » , souligne-t-il.

Depuis un mois, ces initiatives se multiplient miraculeusement. D’abord pour les Lejaby d’Yssingeaux (Haute-Loire). Le 1er février, un fournisseur auvergnat du numéro un mondial du luxe LVMH, dont le PDG est un proche de Nicolas Sarkozy, offre d’embaucher les 93 salariés de cette usine de textile et de les former à la nouvelle activité de maroquinerie de luxe. LVMH assure à travers sa filiale Louis Vuitton le maintien des emplois sur place moyennant un plan de charge de plusieurs années. Et le chef de l’État promet de s’occuper des salariés des autres sites du fabricant qui ont fermé ou vont subir des pertes d’emploi.

Nouveau coup de théâtre à Petroplus, le 24 février. En visite sur le site de cette raffinerie de Petit-Couronne (Seine-Maritime), la plus vieille de France, placée en redressement judiciaire fin janvier après la faillite de Petroplus-France, le candidat Sarkozy annonce qu’un contrat a été signé la veille avec Shell. Le géant pétrolier néerlando-britannique s’engage à fournir du brut à la raffinerie, d’en payer la transformation et d’en récupérer les produits finis, pendant six mois.

De quoi laisser passer présidentielle et législatives dans le calme. Car le sort de Petroplus, comme celui de Lejaby, mobilisait déjà les candidats de tous bords. En cadeau, Sarkozy confirme que 50 millions d’euros ont été débloqués par l’État et le groupe Shell, et qu’une proposition de loi permettant « le maintien des stocks » de l’entreprise, estimés à 200 millions d’euros, sera soumise au Parlement.

Trois jours plus tard, le tribunal de commerce de Vienne (Isère) confirme la reprise de Photowatt, fabricant de panneaux solaires en redressement judiciaire, par le groupe EDF. Nicolas Sarkozy l’avait quasiment promis lors de sa visite de l’entreprise à Bourgoin-Jallieu. EDF, dont le PDG, Henri Proglio, était l’un des heureux invités du Fouquet’s, s’engage à reprendre 355 personnes et à reclasser les 70 autres au sein du groupe EDF, dans un rayon de 60 km. Le groupe public va également injecter 75 millions d’euros pour sécuriser le projet et ce « à effet immédiat » , indique le tribunal.

Si personne n’est dupe des arrière-pensées électoralistes de ces annonces, leur mérite est de montrer qu’avec de la volonté des solutions existent. Et que les moyens pour l’État d’intervenir sont loin d’être aussi inexistants que le prétendaient le gouvernement et Nicolas Sarkozy. Qui souvent en fait trop. S’agissant de Florange, par exemple, non seulement les investissements annoncés étaient déjà connus des syndicalistes de l’entreprise, mais ArcelorMittal a subordonné la reprise de l’activité sur le second fourneau au second semestre à une reprise de l’activité économique. La belle promesse de Sarkozy n’aura pas duré une journée.

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