Travailleurs, désunissez-vous !
La révision d’une directive et un nouveau règlement privilégient la libéralisation.
dans l’hebdo N° 1196 Acheter ce numéro
Est-ce le retour du très polémique principe du pays d’origine de la directive Bolkestein de libéralisation des services ? La Commission européenne, qui a toujours eu pour ambition de mettre en œuvre ce principe permettant le dumping social entre prestataires de services, a adopté le 21 mars deux textes allant dans ce sens.
Le premier est un règlement européen nommé Monti II[^2], mettant en cause le droit de grève. Le second une directive révisée sur le détachement des travailleurs, donnant corps au principe du pays d’origine. Cette directive de 1996 a été revue pour « créer des conditions de concurrence équitables entre les entreprises et écarter celles qui ne respectent pas les règles » , justifie la Commission.
La nouvelle directive intègre cependant des décisions de la Cour de justice européenne qui limitent la possibilité pour les syndicats et les États membres de s’opposer à une concurrence déloyale en matière de salaires et de conditions de travail dans les cas de prestations transfrontalières de services. Autrement dit, rien dans la directive révisée, censée renforcer la protection des travailleurs détachés, ne vient garantir une égalité de traitement entre travailleurs du pays d’accueil et du pays d’origine, et on n’y trouve aucune clause de progrès social.
Le patronat européen de BusinessEurope a affirmé soutenir cette directive, et compte même aller plus loin : cette fédération exerce un lobbying pour lever d’autres dispositions qui risqueraient de « miner la compétitivité des entreprises, à un moment particulièrement inopportun ». De son côté, la Confédération européenne des syndicats (CES) considère que la nouvelle directive est insuffisante, et est « encore très loin de combattre le dumping social ».
D’autant que le droit de grève est mis en cause dans le règlement européen Monti II, qui « place le droit ou la liberté de faire grève sur un pied d’égalité avec les libertés économiques » , dénonce l’Association européenne pour la défense des droits de l’homme. Un tel principe « est inacceptable et porte atteinte aux droits des travailleurs, car le droit de mener des actions collectives est une liberté fondamentale qui doit primer sur les libertés économiques » , ajoute l’association.
Un million de salariés détachés en Europe sont concernés par ces deux textes, qui risquent de faire l’objet de débats houleux au Parlement européen.
[^2]: Règlement « relatif à l’exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services » .