Young and poor : noter les notables
Les collectifs militants Jeudi noir et Génération précaire inauguraient le 1er février une agence de notation d’un nouveau genre, Young and poor -jeunes et pauvres en français. Explications.
Avatar français de l’agence de notation américaine Standard and poor’s – qui distille bons et surtout mauvais points aux États surendettés et sous-libéralisés -, l’« agence » Young and poor sera chargée d’évaluer les différents candidats à la magistrature suprême. Son domaine de prédilection : la jeunesse précarisée. Inaugurée le 1er février au Progrès, un café du IIIe arrondissement de Paris, dans un décorum digne d’un meeting d’Obama, la création de l’ « agence » est un coup médiatique qui fonctionne à merveille. Ophélie Latil, porte-parole du collectif Génération précaire à l’origine du projet avec Jeudi Noir, explique le sens de l’initiative : « Notre volonté est de pousser les différents partis à faire des propositions concrètes et précises sur les problématiques d’insertion professionnelle, du chômage des jeunes, de formation, de stage, …. »
Tous les attributs d’une agence de notation traditionnelle sont en effet utilisés : triple A, comité d’évaluation, dégradation des notes, etc. L’agence se veut ainsi être un outil crédible et impartial d’évaluation des prétendants à l’Elysée : « Nous avons épluché les propositions des candidats avec leur collaboration et nous avons mis en place des outils d’évaluations objectifs et impartiaux », affirme Ophélie Latil.
Toutes les sensibilités représentées
Même si l’orientation politique générale des collectifs impliqués ne fait pas mystère, Young and poor rejette toute forme d’appartenance partisane ou de proximité idéologique avec une quelconque organisation politique : L’organisme « sera composé par des personnes d’horizons et de tendances politiques variées, afin de ne pas biaiser le contenu de l’information ». Pour donner davantage de crédit à la démarche, Sylvestre Coulon, le numéro 2 de l’organisation, explique doctement la méthodologie utilisée.
Elle consiste à « mobiliser une équipe d’une vingtaine d’analystes qui seront chargés de rassembler la matière nécessaire à la première notation en suivant chaque candidat par des équipes composées de 2 à 6 agents selon la taille du parti (…). Une note sera établie en fonction d’une grille de notation rassemblant thèmes et sous thèmes dont le remplissage génère automatiquement une note pondérée par la qualité du diagnostic ».
Des agents, des experts
Le thème de l’emploi par exemple sera pondéré de manière plus forte que celui du volontariat : « C ette grille crée automatiquement une sous note pour chaque thème, puis une moyenne générale à laquelle correspond une note globale : de AAA à E (junk bond, soit la faillite). Dans cette optique, poursuit Sylvestre Coulon, « une équipe d’une vingtaine de veilleurs a été mise en place. Elle suit la campagne et les annonces de tous les candidats déclarés à la présidentielle »
Le comité d’experts, quant à lui, sera composé de personnalités de la société civile, dont Louis Chauvel, sociologue, professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris, spécialisé dans l’analyse des structures sociales et du changement par génération et d’Annick Coupé, porte-parole du syndicat Sud-Solidaires. Jaugée avec un brin d’ironie par certains observateurs présents au Progrès, l’initiative ne manque pourtant pas d’originalité. Et tente de rentrer dans la tête du diable pour le changer.
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