Pas de pitié pour les ZEP

Frappées par les suppressions de postes, en dépit de promesses, les zones d’éducation prioritaire sonnent l’alarme. Exemple en Seine-Saint-Denis.

Ingrid Merckx  • 5 avril 2012 abonné·es

On arrive à l’os. Le gouvernement a tellement rongé les postes dans l’Éducation nationale qu’il en vient à supprimer des enseignants, ou des enseignements, à des endroits clés. Y compris dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) et dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), où il avait pourtant promis de « maintenir les seuils d’ouverture et de fermeture de classes ». Les ZEP sont frappées depuis 2010 mais sporadiquement. Aujourd’hui, les mobilisations se multiplient à Marseille, Toulouse et surtout en Seine-Saint-Denis, département qui a longtemps bénéficié d’un statut « à part », parce que socialement en difficulté, avec une démographie des élèves en hausse.

« Depuis 2007, les moyens se réduisent dans le département malgré une moyenne de 1 000 collégiens supplémentaires chaque année, selon Mathieu Logothetis, professeur au lycée Jacques-Brel de La Courneuve et responsable départemental du Snes, principal syndicat du second degré. Le gouvernement a rogné ici sur des postes Rased, là sur des postes de remplaçants… On est au bout du bout : 65 suppressions de postes sont annoncées dans des ­établissements dont la ­plupart en ZEP. » Ce chiffre ne recouvre pas toutes les suppressions puisque certaines sont comptées en heures d’enseignement : le Snes a calculé 78 « équivalents temps plein ».

Théoriquement, les suppressions ne peuvent concerner des enseignements obligatoires, « mais le gouvernement a dérégulé les programmes nationaux pour dégager une marge de manœuvre ». Ainsi, les élèves perdent des heures pour les travaux en petits groupes, les innovations pédagogiques… Aux chefs d’établissement de se débrouiller entre hausse d’effectifs et heures supplémentaires attribuées aux profs restants. « Voici dix ans que la France voit ses résultats baisser dans les classements OCDE avec des élèves en difficulté de plus en plus en difficulté… »

Les zones d’éducation prioritaire ont été créées dans les années 1980 pour fair l’objet d’une action éducative spécifique. Ce qui s’est traduit principalement par des classes à effectifs réduits. La moyenne tournait depuis quelques années à 22,3 élèves en Seine-Saint-Denis. Elle est déjà revenue au niveau maximal en ZEP : 24. « Ce qui veut dire que certaines classes sont déjà au-delà, à 25 ou 27… », glisse Mathieu Logothetis, alors que la moyenne hors ZEP se situe à 27 élèves. La casse n’aurait été limitée que dans les établissements « Éclair », programme qui regroupe 325 établissements du second degré et plus de 2 110 du premier degré, isolés, concentrant le maximum de difficultés, « où l’on pratique une éducation au rabais », selon le responsable du Snes. Treize collèges et un lycée sont concernés en Seine-Saint-Denis contre plus d’une centaine classés ZEP.

Au collège Jean-Jaurès de Saint-Ouen, trois postes en anglais, en maths et en français vont disparaître malgré des effectifs stables. Les renforcements dans ces matières en 5e et 4e ont déjà disparu, le « module relais », classe de rattrapage, a vu son nombre d’heures divisé, la classe de soutien pour les 4e a été réduite… « La Seine-Saint-Denis demeure le département le mieux doté d’Île-de-France », défend Marc Bablet, inspecteur d’académie adjoint, dans le Parisien. « Comme les moyens ont baissé partout, l’écart se maintient », nuance Mathieu Logothetis. Mais les critères d’éducation prioritaire ont été perdus dans la bataille.

Société
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