Programmes : quel futur pour les étrangers ?

Sujet tabou ou instrumentalisé, la situation des étrangers en France peine à trouver sa  juste place dans la campagne. Seuls le Front de gauche et Europe Écologie-Les Verts en donnent une image positive.

Ingrid Merckx  • 12 avril 2012 abonné·es

Entre le débat sur la viande halal et la tuerie de Toulouse, la question de l’immigration dans la campagne 2012 a failli virer franchement à l’aigre. Peut-il en être autrement ? En 2007, immigration était inséparable de sécurité et d’islam. Après cinq ans de xénophobie d’État, il n’y a plus guère que le Front de gauche (FG) et Europe Écologie-Les Verts (EELV) pour revendiquer l’immigration comme une chance.

Immigration

« Je sécuriserai l’immigration légale », a déclaré François Hollande. « Prévoit-il donc de poursuivre les expulsions par charters ? », interroge le FG, qui déclare : « Nous continuons à dire que l’immigration n’est pas un problème et que traiter des êtres humains sous le seul angle de l’utilitarisme (en l’occurrence leurs compétences professionnelles), c’est la porte ouverte à la barbarie. »

Pour Eva Joly, « l’obsession gouvernementale des objectifs chiffrés d’expulsion, de la diminution de l’immigration régulière et du nombre de naturalisations doit cesser. […] la France doit renouer avec son aspiration, celle du pays des droits humains, celle d’une terre d’accueil ».
La différence avec le PS est notable puisque François Hollande conduira « une lutte implacable contre l’immigration illégale et les filières du travail clandestin ». Il souhaite voter tous les trois ans une loi d’orientation et de programmation, et créer un contrat d’accueil et d’intégration. Un peu comme celui de l’UMP mais « en concertation avec les partenaires sociaux ».
Marine Le Pen a qualifié Nicolas Sarkozy de « Monsieur Plus de l’immigration ». Le Président propose un référendum sur l’immigration et entend diviser par deux, donc autour de 100 000, le nombre d’arrivées annuelles. « 10 000 ! », renchérit la candidate FN, qui souhaite interdire le droit du sol et le regroupement familial. « Pas de politique du chiffre », se contente de dire François Bayrou, qui voudrait « une gestion européenne » de la question.

Sans-papiers

Employer le terme « clandestin » plutôt que « sans-papiers » est révélateur. Idem pour les régularisations. « Au cas par cas, sur la base de critères objectifs », défend le PS, sans détailler. « Oui à la régularisation de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs sans papiers et de leur famille, de tous les jeunes majeurs et de parents d’enfants scolarisés ! », s’exclame le FG. « Régularisation de tous les sans-papiers. Amnistier toutes les condamnations relatives au séjour irrégulier. Liberté et égalité de ­circulation de tous les humains », réaffirme EELV.
Sans répondre, comme le FG, à la question des « capacités d’accueil », EELV ose quand même établir des « critères » : présence sur le territoire depuis plus de cinq ans, scolarisation d’un enfant ou situation de travail.
« Des procédures d’éloignement seront réalisées mais dans le respect du droit et non pas dans le cadre d’objectifs chiffrés », glisse François Hollande. Pour le FN, c’est simple : toute régularisation est interdite. Pour François Bayrou, la condition d’une régularisation repose sur la justification de trois ans de travail régulier.

Roms

Les Roms ne sont cités nulle part alors qu’ils vivent – avec les Bulgares – une situation à part qui, pour l’instant, leur interdit de travailler en France. Contrairement à d’autres pays membres, la France a en effet décidé en 2008 de prolonger jusqu’en 2011 la période transitoire restreignant l’accès au travail des ressortissants roumains et bulgares, nouveaux entrants dans l’Union européenne. En 2011, cette restriction n’a pas été levée. Même EELV et le Front de gauche semblent l’avoir oubliée.

Couples mixtes

À « immigration choisie », Nicolas Sarkozy oppose « immigration subie ». Elle comprend l’immigration familiale, soit le regroupement familial et les mariages mixtes. Une présomption de fraude pèse sur les deux alors qu’aucune étude n’a été réalisée sur ces dispositifs. L’UMP a déclaré la guerre aux conjoints étrangers, qui se voient imposer des conditions strictes : travail, logement « décent » et niveau de langue… Par ricochet, le conjoint français est « stigmatisé comme un ennemi de l’intérieur », souligne le collectif Les Amoureux au ban public. Avec une telle politique, « la jeune fille au pair norvégienne que j’étais n’aurait pas pu épouser son mari français », grince Eva Joly.

Étudiants étrangers

Devant le Collectif du 31 Mai, François Hollande s’est engagé à abroger la circulaire sur les étudiants étrangers et à revoir « les dispositions législatives » dans le cadre « d’une loi globale sur l’immigration », avec projet de carte de séjour pluriannuelle, autorisation de première ­expérience professionnelle et incitation aux échanges avec les universités étrangères. « Accueil des étudiants étrangers qui le souhaitent dans une vision non-­marchande de contribution au développement et à la coopération », garantit le FG. EELV promet de lever les obstacles financiers et administratifs imposés aux étudiants étrangers et de favoriser « leurs premières expériences professionnelles en France ».

Vote des étrangers

Le droit de vote sera accordé aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France pour le FG ; depuis cinq ans pour le PS ; depuis au moins dix ans pour François Bayrou. Droit de vote et d’éligibilité des ­étrangers à toutes les élections, proclame EELV.

Centres de rétention

Suppression complète pour le FG et EELV. François Hollande ­n’interdira ­l’enfermement que pour les enfants et les familles avec enfants, avec comme alternative des assignations à résidence. « Les mafieux du monde entier vont maintenant envoyer le message : venez avec vos enfants, comme ça, ils ne pourront pas vous expulser », a ironisé Nicolas Sarkozy.

Étrangers malades

François Hollande veut supprimer le droit d’entrée à l’aide médicale d’État. Marine Le Pen, quant à elle, veut supprimer l’aide entière. Pour EELV, les droits aux soins médicaux « seront respectés », comme le prévoient « le droit français et les conventions internationales. »
Le FG rétablira le droit au séjour pour raisons médicales.

Nationalité

Tous les étrangers résidant en France depuis cinq ans pourront acquérir la nationalité française, pour le FG. La procédure de naturalisation sera facilitée pour EELV.

Laïcité

Marine Le Pen souhaite interdire le port du voile dans les services publics et la viande halal dans les cantines scolaires. Nicolas Sarkozy est favorable à la construction de mosquées mais pas avec de l’argent public. Pour le FG, cette restriction devrait concerner tous les établissements scolaires privés religieux. François Hollande voudrait inscrire les principes de la loi de 1905 dans la Constitution, Jean-Luc Mélenchon abolir le concordat en Alsace-Moselle et Eva Joly instaurer deux nouveaux jours fériés pour l’Aïd el Kebir et Yom Kippour.

Société
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