Tu serais pas de droite, à être si de gauche ?

Sébastien Fontenelle  • 5 avril 2012 abonné·es

Je lisais l’autre jour, sur le site du Nouvel Observateur, un vif billet d’humeur du raffiné Serge Raffy [^2], transfugé là de chez l’(autre) hebdomadaire progressiste Elle, qui suggérait un peu nettement – puisque c’était le titre de son enlevé papier – que « Mélenchon » était un « piège à c… ».

N’étant (hélas) pas doué d’une imagination spécialement fertile, j’ai supposé que ce « c… » voulait dire : cons. Et non, par exemple : coquelicots.
Car en effet, si tu regardes bien, la phrase « Mélenchon piège à coquelicots » ne voudrait strictement rien dire.

Alors que la phrase « Mélenchon piège à cons » fait du moins une rime un peu riche [^3], et prend incontestablement du sens, quand elle est dite par une éminence d’un magazine que son patron – l’excellentissime Laurent Joffrin – voit comme « un Gala pour les riches ». (Et comme il a raison.)

Si vraiment les mots ont un sens – comme nous sommes en droit de le supposer – et si vraiment les mots sont importants, comme le soutiennent couramment d’aussi variées personnalités que Pierre Tevanian et Sylvie Tissot, dont je serais assez tenté, quant à moi, de partager l’avis, cette saillie de Raffy [^4] signifie que, si tu planifies de voter dans trois semaines pour le Front de gauche, tu es, vu(e) depuis le surplomb d’où il te nouvelobserve et te sermonne, un peu con(ne).

Et ce n’est certes pas très gentil, mais la vérité oblige à reconnaître que Raff [^5] n’est pas (du tout) seul à porter sur l’électorat de Mélenchon ce roide jugement, et que c’est toute la presse dite « de gauche », mais comme il faut, qui, depuis qu’icelui s’est hissé dans le quarteron des candidat(e)s qui font en tête la course vers l’Élysée, n’en finit plus d’hurler que celles et ceux qui votent pour lui sont les « idiots utiles » du président sortant – dont leur champion serait même, ai-je lu dans le Monde, l’« allié objectif ».

Cela confirme que les hauts journaleux de la presse dominante ne souhaitent décidément pas du tout qu’advienne une gauche qui se montrerait un peu ferme dans la remise au pas des financiers qui leur assurent de (plus) confortables émoluments (que les tiens, misérable smicard[e]) – et dont ils savent que les « socialistes », sitôt qu’élu(e)s, leur feraient, comme ils ont toujours fait dans ces cas depuis 1983, moult amabilités : c’est pour cette raison même que depuis trente années de merde ils brament, sitôt que tu t’écartes du chemin libéral où ils veulent te contenir, que tu dois être un peu de droite, à être si nettement de gauche.
En cela, ils sont tout à la fois les alliés de fait et les utiles tambourineurs des marchés : je ne jurerais pas que c’est une découverte, mais ça me faisait plaisir de le rappeler ici.

[^2]: Je te signale, au passage, que tu peux faire avec ces trois derniers mots une désopilante contrepèterie.

[^3]: Moins, j’en conviens, que n’eût fait « Mélenchon piège à cornichons », mais jamais Serge Raffy n’a prétendu non plus, qu’on sache, qu’il était Pierre de Ronsard.

[^4]: Moi aussi, je peux faire des rimes, si je veux. Non mais sans déconner…

[^5]: Je l’appelle comme ça pour gagner du signe, sans quoi, je le crains, je vais dépasser mon feuilletage.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes