Calanques en eau tiède

Résultat de longs et nombreux marchandages, le nouveau parc national aux portes de Marseille ne s’annonce pas suffisamment exemplaire.

Patrick Piro  • 3 mai 2012 abonné·es

Des paysages sublimes, près de 140 espèces protégées sur terre et en mer, de nombreuses plantes endémiques, une centaine de sites archéologiques : les Calanques, à l’est de Marseille, sont reconnues de longue date comme un patrimoine naturel et culturel de très grande valeur.

Depuis le 18 avril, le parc national des Calanques a placé 160 000 hectares de ce site sous haute protection environnementale. Une bonne nouvelle ? Pas si sûr. Après douze ans de concertation, 300 réunions et une multitude de compromis, cette naissance fait figure de défi : si tous professent la nécessité de préserver le site – pêcheurs, plongeurs, plaisanciers, propriétaires de « cabanons » [^2], professionnels du tourisme, grimpeurs, chasseurs, élus et bien sûr défenseurs de la nature –, leurs ambitions sont fortement divergentes.

Ce parc national – le dixième du pays – est le premier à voir le jour depuis la loi de 2006 qui assouplit notablement les restrictions imposées aux activités humaines dans ces espaces. De plus, il jouxte Marseille et ses 800 000 habitants, et 90 % de son aire est marine. « Nous attendions un parc exemplaire. À l’inverse, il risque d’être pris pour modèle d’une nouvelle génération d’aires à faible ambition environnementale », déplore Amanda Bouard, de l’Union régionale vie et nature (URVN), membre de la fédération France nature environnement (FNE), dont la plupart des revendications ont été déçues. Le Conseil national de la protection de la nature (consultatif) et l’enquête publique de novembre 2011 ont vu plusieurs de leurs critiques négligées.

Tout d’abord, le périmètre du parc comporte des aberrations, en raison des marchandages destinés à emporter l’adhésion du plus grand nombre. Le « cœur terrestre », zone de plus haute protection, a été sectionné en deux parties au niveau de Cassis [^3], et il est amputé de sites de grand intérêt (calanque de Port-Miou, forêt de Fontblanche…). Le pourtour des îles du Frioul a été exclu du « cœur maritime », confetti de sept zones parfois minuscules, dont l’une fait face à l’émissaire des égouts de Marseille… L’« aire optimale d’adhésion », aire tampon adjacente au « cœur », où les municipalités définiront par contrat avec le parc une politique de préservation, est persillée de communes qui s’en sont exclues. « Toutes ces discontinuités entravent l’objectif de préservation de la biodiversité », souligne Amanda Bouard.

Le règlement du parc est aussi peu glorieux : la chasse des oiseaux à la glu et le tir aux lâchers demeurent autorisés (jusqu’en 2018), tout comme le chalutage, très destructeur, dans la zone marine de moins de 100 mètres de profondeur, pour une durée de quinze ans maximum. « Pêcheurs et cabanoniers résistent fortement à la restriction de ce qu’ils perçoivent comme des droits », commente Denis Ody, du WWF-France.

Enfin, le conseil d’administration du parc a été doté d’importants pouvoirs au détriment du directeur. « Il faut donc s’attendre à une gestion plus politique que technique… Par ailleurs, nos associations n’y disposent que de 3 sièges sur 51, contre 4 pour les sports de plein air, par exemple ! », s’élève Amanda Bouard.

Si FNE se montre nettement pessimiste, Denis Ody juge en revanche ce « parc moyen » plus satisfaisant que « pas de parc ». « Mais le surplace est à bannir : faute d’améliorations rapides et de bénéfices visibles pour les acteurs locaux, le poids des contraintes sera de moins en moins accepté par les opinions. »

[^2]: Villégiatures, souvent modestes, bâties de manière anarchique.

[^3]:  Voir www.gipcalanques.fr

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

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