Construire la dynamique du changement

Évelyne Sire-Marin  et  Claude Debons  et  Jacques Rigaudiat  • 3 mai 2012 abonné·es

Sans hésitation, nous voterons François Hollande pour battre Nicolas Sarkozy. C’est la condition nécessaire pour stopper la contre-révolution libérale qui a mis à mal notre « modèle social », et ouvrir une dynamique de mobilisation et de changement dans notre pays.

Nous le faisons sans hésitation tant serait catastrophique un nouveau quinquennat du président sortant. A fortiori placé sous la pression du Front national, dont la candidate est sortie renforcée du premier tour de l’élection présidentielle.

Faut-il rappeler la régression des droits sociaux et démocratiques, le recul de la protection sociale et des services publics, le creusement des inégalités et la stigmatisation des immigrés mis en œuvre ces dernières années ? D’autant que la droite et les libéraux ne font pas mystère de leurs objectifs : mettre à profit la crise financière pour imposer, dans le cadre des nouveaux traités européens, une austérité généralisée conduisant à détruire ce qui reste des grandes conquêtes sociales et démocratiques de l’après-Seconde Guerre mondiale. Nous ne voulons pas donner à Sarkozy la possibilité de « finir le (sale) boulot ».

Nous le faisons tout en considérant que le programme proposé par François Hollande est insuffisant pour relever les défis posés. Il s’inscrit dans une analyse de la crise actuelle circonscrite à une crise des dettes souveraines qui serait due à un excès de dépenses publiques qu’il conviendrait de résoudre par une politique de rigueur budgétaire.

Le diagnostic et les remèdes sont inadaptés : les dépenses publiques rapportées à la richesse nationale sont stables depuis vingt ans, ce sont les recettes sociales et fiscales qui ont chuté sous l’effet des politiques libérales. Telle est la cause immédiate des ­déficits publics, mais, plus ­profondément, cette crise est celle du modèle libéral de développement du capitalisme depuis trois décennies et de la construction libérale de l’Union européenne organisée par les traités successifs depuis 1986. Cela appelle des ruptures avec des orientations mortifères, et pas seulement des correctifs à la marge des injustices les plus criantes.

Nous le faisons avec la conviction que la défaite de Sarkozy sera ressentie jusqu’au-delà de nos frontières comme un revers infligé au système libéral tout entier. La défaite de l’architecte – avec Angela Merkel – des nouveaux traités européens enfermant les peuples dans l’austérité à perpétuité résonnera comme un appel à une refondation sociale et démocratique de l’Union européenne. La défaite de celui qui fut le « président des riches » et l’ami du patronat constituera un encouragement pour les mobilisations sociales ainsi que la reconquête et l’élargissement des droits sociaux et démocratiques.

La question des alternatives sera posée avec d’autant plus de force que ce sera au feu de la confrontation à venir avec la finance internationale. Cette dernière n’attendra pas pour essayer de plier d’emblée le nouveau gouvernement de gauche à ses exigences. La gauche, toute la gauche, sera confrontée alors à des questions essentielles.

Comment desserrer l’étau de la spéculation financière internationale sinon en faisant un audit de la dette pour sa renégociation et en s’émancipant des règles mortifères du traité de Lisbonne, notamment en autorisant la BCE à prêter directement aux États ?

Comment orienter l’argent vers les investissements utiles pour les besoins sociaux, la réindustrialisation et la reconversion écologique de notre système productif, sinon en imposant un autre partage des richesses, en construisant un grand pôle public du crédit agissant en fonction de l’intérêt général et en nationalisant des banques ?

Comment faire de l’emploi la priorité, quand 5 millions de personnes connaissent le chômage ou le sous-emploi, sans un volontarisme industriel et écologique, une relance des services publics, une reprise de la réduction du temps de travail, une sécurité sociale professionnelle assurant continuité des droits des salariés et formation qualifiante pour répondre aux besoins d’emplois suscités par la relance économique ?

Comment restaurer la souveraineté populaire, renforcer les droits et les libertés, élargir la démocratie sociale au sein des entreprises sans rompre avec la monarchie républicaine de la Ve République ? Soumission aux diktats de la finance ou réponse aux attentes populaires, il faudra choisir !

Nous sommes convaincus que la défaite de Nicolas Sarkozy fera souffler l’envie du changement. Dès lors, des mobilisations politiques et sociales majoritaires peuvent permettre d’apporter à ces questions des réponses ambitieuses, comme les grèves de juin 1936 ont permis les conquêtes du Front populaire. C’est à la construction de cette dynamique qu’il faut s’atteler. C’est la condition indispensable pour combattre la dangereuse progression du Front national dans notre pays.

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