Pierre Laurent : « Enraciner le Front de gauche à la base »

Pierre Laurent tire un premier bilan de la campagne conduite par Jean-Luc Mélenchon et envisage les moyens pour pérenniser le rassemblement.

Michel Soudais  • 3 mai 2012 abonné·es

Le secrétaire national du PCF souligne l’importance de la période qui va s’ouvrir pour le Front de gauche après l’élection présidentielle et les législatives. Il s’agit de rien de moins que de réinventer la gauche.

Quel est votre sentiment sur l’entre-deux-tours de cette élection présidentielle ?

L’attitude de Nicolas Sarkozy crée un climat extrêmement nauséabond. Face au rejet qui le frappe, il s’est engagé dans une fuite en avant, accentuant une dérive politique et idéologique dangereuse. Avec sa tentative de récupération pétainiste du 1er Mai ou ses déclarations sur la présomption de légitime défense pour les policiers, la droite ouvre de plus en plus de passerelles avec le programme du FN. Contre ces thèses, le seul chemin que doit prendre la gauche est celui du combat idéologique. C’est en le menant qu’elle gagnera le deuxième tour et créera ensuite les conditions d’un recul de ces thèses.

Toutes les réticences sur le Front de gauche, qui pouvaient exister dans votre parti, sont-elles désormais levées ?

Nous avons eu le 25 avril un conseil national où s’est exprimée une convergence totale sur la satisfaction à l’égard des résultats, la qualité de la campagne et la nécessité d’amplifier la stratégie du Front de gauche. Ceux qui avaient proposé un autre choix que Jean-Luc Mélenchon se sont engagés très vite dans la campagne et crescendo, quantitativement et qualitativement. Le débat que nous avons eu pour prendre cette décision a été utile pour construire cette unité. Le Parti communiste est déterminé à poursuivre la campagne du Front de gauche.

Le mode de fonctionnement de la campagne présidentielle peut-il être prolongé ?

Il y a des choses à prolonger, d’autres à modifier. La formule du front, qui permet à des forces diverses de travailler dans la cohérence d’ensemble en étant respectées, a montré son efficacité. La coordination et le conseil national de campagne sont des espaces d’animation qui doivent être maintenus même si leur fonctionnement et leur composition doivent évoluer. Le grand défi des mois à venir est de savoir si nous sommes capables de transformer l’élan populaire autour du Front de gauche en un investissement populaire durable. Comment les assemblées citoyennes, les réseaux thématiques et le front des luttes avec les syndicalistes peuvent-ils permettre de donner de la place, dans la conduite du Front de gauche, à tous ceux qui ont rejoint notre démarche ? Nous n’avons pas le droit de rater ce rendez-vous.

Ne faut-il pas aller vers des adhésions directes et un fonctionnement plus fédéral du Front de gauche ?

Le Front de gauche est une construction originale puisqu’elle associe des partis, avec leurs militants, et des citoyens engagés dans divers combats, qui ne sont pas membres de ces partis. Il faut effectivement faire marcher de pair ces partis avec leur vie démocratique respective, et donner du pouvoir, de la capacité d’initiative à ceux qui n’en sont pas membres. Le fonctionnement sur le mode du respect mutuel entre ses fondateurs, qui a permis de donner au Front de gauche son élan, doit aussi fonctionner entre les membres des partis et ceux qui nous ont rejoints dans la campagne.

Pour répondre à la question, il faut voir que, pour la première fois, le Front de gauche va affronter une période qui n’est pas dominée par les élections. Notre travail va donc être concentré sur la mobilisation populaire citoyenne autour de thèmes et d’objectifs politiques que nous voudrons faire prévaloir dans la nouvelle situation politique. Les assemblées citoyennes, les réseaux thématiques et le front des luttes peuvent être des endroits où ceux qui sont investis peuvent prendre leur place. C’est par cette construction-là que nous allons répondre à la question de l’association effective de ces citoyens à la démarche du Front de gauche. De toute façon, nous aurons besoin d’expérimenter et d’évaluer en marchant si nous voulons trouver les bonnes formules.

Que pensez-vous de la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon d’une convention du Front de gauche ?

Je l’ai découverte quand il l’a énoncée, porte de Versailles, et je n’en sais pas plus que ce qu’il a dit. Mais il est normal que les parties prenantes dans le Front de gauche mettent sur la table leurs propositions pour la suite. Nous allons, avec le Parti communiste, faire de même.
Personnellement, je pense que la priorité est de privilégier des formes d’enracinement du Front de gauche à la base. Et de pérenniser parallèlement une forme de conduite collective qui fasse de la place à tout le monde. Nous n’avons pas besoin de nous précipiter. Nos partis doivent tenir d’ici à la fin de l’année des congrès importants, nous pourrons voir alors quelles sont les propositions les plus efficaces pour avancer.

La première échéance sera de trancher la question de la participation au gouvernement. La rumeur fait état d’un désaccord possible entre vous…

Le Front de gauche a vocation à exercer des responsabilités politiques au plus haut niveau. Actuellement, notre position commune est que nous n’irons pas gouverner sur une politique qui ne mettrait pas en œuvre des ruptures fortes avec les logiques actuelles d’austérité. Là où il existe un débat, c’est sur le calendrier de cette décision. Au Parti communiste, nous ­considérons que la situation politique est en pleine évolution. Nous sommes engagés dans la bataille pour battre Sarkozy et mènerons ensuite celle des législatives avec l’ambition et la volonté de modifier la situation politique, singulièrement à gauche. Nous pourrons alors évaluer définitivement la situation créée par l’ensemble de la séquence électorale.

Voilà pourquoi nous tiendrons une conférence nationale extraordinaire du Parti communiste dans la semaine qui suit le ­deuxième tour de ce scrutin. Nous prendrons notre décision en fonction de la situation, en parlant évidemment avec nos partenaires du Front de gauche et tous les citoyens engagés dans sa démarche. Et avec la volonté de déboucher sur une position commune de toutes ces forces, pas seulement sur la participation gouvernementale mais également sur les nouveaux objectifs politiques que nous fixons dans la situation qui sera créée.

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