Police : « Les agents sont délaissés »
La mise en examen d’un policier pour homicide volontaire ravive le mal-être de la profession. Frédéric Young, du syndicat majoritaire Unité SGP Police, dénonce le manque d’effectifs et de moyens.
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Manuel Valls a terminé sa première visite en tant que ministre de l’Intérieur par le commissariat de Noisy-le-Sec. Depuis la mise en examen d’un policier de cette ville pour homicide volontaire, le 25 avril dernier, l’ensemble de la profession ne décolère pas. Frédéric Young, délégué du syndicat majoritaire Unité SGP Police dans le Val-d’Oise, revient sur les raisons du mal-être des policiers.
Pourquoi Unité SGP Police
s’est-il joint aux manifestations
de soutien au policier interpellé ?
Frédéric Young : Unité SGP Police revendique avant tout une véritable présomption d’innocence pour les policiers. Ces derniers ne sont pas au-dessus des lois, mais ils ne sont pas non plus en dessous. Lorsque le parquet de Bobigny retient le chef d’accusation d’homicide volontaire à l’encontre de notre collègue de Noisy-le-Sec, il bafoue la présomption d’innocence. Sa mise en examen est tout à fait normale pour que l’enquête puisse avancer. Mais les circonstances doivent être analysées pour comprendre si le coup de feu relevait, oui ou non, de la légitime défense.
Aujourd’hui, il y a un ras-le-bol général dans la police. Les agents mis en examen lors de missions écopent d’une double peine, pénale et administrative. Quand il n’est pas purement suspendu, un policier qui fait l’objet d’une procédure judiciaire verra ses primes supprimées. Elles peuvent représenter le tiers de son salaire.
Il ne faut pas oublier que les dépressions sont fréquentes dans la police. L’administration doit soutenir les agents accusés en leur fournissant un avocat, par exemple.
Quel message adressez-vous
au nouveau gouvernement ?
Unité SGP Police demande l’arrêt total de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Depuis 2008, effectifs et budgets des commissariats ont été massacrés. Dans le Val-d’Oise, certains locaux sont insalubres. Cela n’arrange rien au sentiment de mal-être des policiers, qui se sentent délaissés par leur administration. Comment bien recevoir une victime qui vient déposer plainte sans espace de convivialité, dans un endroit qui empeste les toilettes ? Nous en sommes là.
La RGPP cherche à tout mutualiser. Des commissariats ferment dans toute la France. Ceux qui restent reçoivent des voitures neuves sans moyens pour les entretenir. Les agents se retrouvent dans des situations incohérentes, à verbaliser des automobilistes qui ont des pneus lisses alors que leur propre voiture n’est pas aux normes. La police se doit d’être exemplaire. Mais il lui faut des moyens pour renvoyer cette bonne image.
Selon vous, la justice serait-elle plus sévère envers les policiers ?
La justice doit avoir un rôle indépendant. Les syndicats manifestent lorsqu’ils estiment qu’elle ne fait pas son travail. Les agents ne comprennent pas que, lorsqu’ils se font outrager, les auteurs de ces outrages n’aient qu’une condamnation à un euro symbolique. Quand une intervention tourne mal et qu’un policier donne un coup de poing qu’il n’aurait pas dû donner, il se voit condamner à 5 000 euros de dommages et intérêts.
Deux poids, deux mesures. Les agressions envers les agents ne cessent d’augmenter. On en arrive à des situations incroyables, comme lorsque notre collègue Éric Lalès, à Marseille, se fait tuer pour des surgelés [braquage d’un magasin au mois de décembre, NDLR].
Les armes circulent sous le manteau. Le développement de ces réseaux est à mettre en relation directe avec le manque d’effectifs. La police ne peut plus effectuer des missions de renseignement poussées. On préfère arrêter quatre petits fumeurs de shit plutôt qu’un seul dealer. Unité SGP Police refuse cette politique du chiffre.
Que pensez-vous de la présomption de légitime défense avancée par le syndicat Alliance ?
Cette notion a été mise sur la table entre les deux tours. C’est une fausse bonne idée. Manuel Valls s’est d’ailleurs prononcé contre, ce qui est une bonne chose. La légitime défense, en revanche, existe. Notre syndicat revendique une vraie présomption d’innocence et une vraie protection administrative et judiciaire.