Un atout économique
Les immigrés rapportent plus qu’ils ne coûtent aux finances publiques, démontre une étude, à rebours d’une idée fausse.
dans l’hebdo N° 1204 Acheter ce numéro
En 2011, un audit publié par une trentaine de parlementaires [^2] mettait à mal les idées reçues sur l’immigration et la politique répressive de Nicolas Sarkozy. Sénateurs et députés ont interrogé trente-cinq spécialistes, dont El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, qui continue aujourd’hui à faire la lumière sur une réalité complexe. Car, pour l’économie, l’immigration est en réalité un atout.
« L’impact de l’immigration sur les finances publiques est l’un des sujets les plus controversés. Les résultats des études sur ce sujet dépendent de nombreux paramètres. Il est en tout cas positif sur le long terme », affirme El Mouhoub Mouhoud, s’appuyant notamment sur l’étude d’une équipe de chercheurs de l’université de Lille, réalisée en 2009 sous la direction de Xavier Chojnicki. En 2005, alors que les immigrés ont reçu 47,9 milliards d’euros de prestations sociales (retraites, aides au logement, allocations chômage et familiales, etc.), ils ont versé à l’État 60,3 milliards (impôts, taxes, cotisations sociales). Soit une contribution nette globale de l’immigration de l’ordre de 12 milliards d’euros. Un immigré aura ainsi effectué un paiement net à l’État de l’ordre de 2 500 euros, contre un peu plus de 1 500 euros pour un natif.
« Même si, en moyenne, les immigrés semblent payer moins de taxes et recevoir plus de transferts que les natifs, il faut prendre en compte la différence de structures par âge. Les immigrés cotisent beaucoup dans les populations en âge de travailler, plus nombreuses, et reçoivent beaucoup moins en termes d’accès à la protection sociale. Ceux qui reçoivent le plus sont ceux qui sont plutôt dans des classes d’âge basses et élevées, moins nombreuses. Les immigrés touchent beaucoup moins qu’ils ne cotisent parce que l’essentiel de ceux qui cotisent se trouvent dans la classe d’âge en âge de travailler », explique El Mouhoub Mouhoud.
Une autre idée reçue considère que les immigrés prennent les emplois des natifs. Or, selon le chercheur, « les immigrés qui arrivent sur le marché du travail ne sont pas en concurrence directe avec les natifs, mais avec les travailleurs issus d’autres vagues d’immigration. » Ils viennent occuper majoritairement des secteurs délaissés par les autochtones : « Si vous venez dans un bassin d’emploi qui n’est pas occupé par les natifs, vous ne diminuez pas l’offre de travail de la part des entreprises. Même en augmentant les salaires, l’incitation à prendre des emplois pénibles est très faible. Les immigrés prennent plus de risques, ils ont une motivation extrêmement grande. »
Autre aspect : la mobilité des travailleurs. Les chômeurs situés dans des zones d’emploi en difficulté ne vont pas se tourner vers les régions qui recrutent, pour des questions financières et sociales. Contrairement aux immigrés, plus mobiles. « Quand on dit : s’il y a du chômage, il n’y a pas de place pour les immigrés, c’est erroné. Chômage ou pas, ça ne change pas le fait que les offres de travail des entreprises ne sont pas couvertes dans certains secteurs, qualifiés ou non qualifiés », affirme El Mouhoub Mouhoud.
L’économiste déplore ainsi les « effets pervers » de la politique d’immigration choisie prônée par Nicolas Sarkozy, qui risque de «retarder la mise en place de politiques de formation nécessaire aux équilibres de long terme du marché du travail», favorisant ainsi la fuite des cerveaux des pays pauvres. D’autant que ce sont les travailleurs les plus qualifiés qui migrent d’un pays à autre. « Quand vous êtes un immigré pauvre et peu qualifié, le coût de la mobilité est prohibitif. C’est un paradoxe. Plus les pays sont pauvres, plus leur taux d’émigration globale est faible, mais plus leur taux d’expatriation de qualifiés est élevé. » Ou comment casser un autre cliché : non, la France ne reçoit pas toute la « misère du monde ».
[^2]: Lire notamment l’étude publiée en mai 2011 par l’Association des parlementaires pour l’audit de la politique d’immigration, d’intégration et de codéveloppement.