Vaccination, où faut-il s’arrêter ?

De l’avis de tous, la vaccination est une immense avancée médicale. Mais devant la multiplication des nouveaux vaccins, certains médecins, comme Dominique Dupagne, recommandent la prudence. D’autres, tel Dominique Bellet, estiment que la critique des vaccins est un luxe des sociétés riches occidentales.

Politis.fr  • 17 mai 2012 abonné·es

Illustration - Vaccination, où faut-il s’arrêter ?

Les vaccinations correspondent à un progrès considérable en matière de santé publique. Ce progrès est peu visible car seuls les plus âgés d’entre nous se souviennent de la variole, de la poliomyélite ou encore du tétanos, maladies courantes pendant la première moitié du XXe siècle. Mais, comme toute stratégie médicale, la vaccination expose à des excès.

La vaccination n’est pas une bonne stratégie « de principe ». Certains vaccins sont utiles, d’autres ne le sont pas, d’autres encore sont à déconseiller.

Un exemple simple permet de comprendre comment un vaccin peut être délétère : c’est celui du vaccin contre la varicelle. Cette maladie virale est si contagieuse que peu d’enfants y échappent. La maladie est désagréable, peut laisser quelques cicatrices, mais les complications chez l’enfant sont rarissimes. Il existe un vaccin permettant de s’immuniser contre cette maladie. Il n’est heureusement pas recommandé en France. En effet, la vaccination des enfants conduirait à ralentir la transmission de la maladie et donc l’immunisation massive, naturelle, précoce et définitive de la population. La proportion d’adultes non immunisés augmenterait (moins de 1 % actuellement) car il est improbable que le taux de vaccination dépasse 80 %. Or, si la varicelle est bénigne chez l’enfant, elle peut être grave chez l’adulte.

La vaccination aurait donc pour conséquence une augmentation des complications liées à la varicelle par déplacement de la maladie vers l’âge adulte. Un taux de vaccination proche de 100 % éviterait ce désastre, mais ce taux est impossible à atteindre.

Dans d’autres cas, l’absence d’intérêt du vaccin est liée à la faible stabilité de l’agent infectieux. Le virus de la poliomyélite est limité à trois sérotypes. Le vaccin immunise totalement contre ces trois sérotypes et protège donc à plus de 99,99 % contre la « paralysie infantile ». C’est l’une des caractéristiques d’un bon vaccin. Au contraire, le vaccin contre le cancer du col de l’utérus ­n’immunise que contre certains sérotypes de papillomavirus cancérigènes. Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste en biologie ni d’avoir lu Darwin pour comprendre que la vaccination n’aura pour seul résultat à long terme que de sélectionner les virus contre lesquels ce vaccin ne protège pas. Il reste à espérer que les nouvelles souches qui émergeront ne soient pas plus cancérigènes que celles contre lesquelles les jeunes filles sont actuellement immunisées.

Le problème est identique avec la grippe : si l’on parvenait à ­vacciner 100 % de la population, la probabilité que le vaccin soit efficace contre le virus circulant serait de 0 %. En effet, seules les souches grippales absentes du vaccin annuel (sélection réalisée plusieurs mois à l’avance) circuleraient en hiver.

La vaccination est une affaire complexe. Il est aussi absurde de la rejeter en bloc que de lui accorder un crédit excessif et systématique. Les vaccins doivent être étudiés au cas par cas, en pesant le pour et le contre de leur généralisation. Cette réflexion doit idéalement avoir lieu le plus loin possible de l’influence des fabricants de vaccins, ce qui n’est malheureusement pas le cas en France, malgré les enseignements de l’affaire Mediator. 

Illustration - Vaccination, où faut-il s’arrêter ?

Sur ce sujet de la vaccination, il ne s’agit pas d’avoir des opinions mais, au contraire, de prendre en compte les faits, scientifiquement prouvés. Or, les faits sont les suivants : dans le passé, la vaccination a permis d’éradiquer des maladies terribles, comme par exemple la variole. Quant à la poliomyélite, on ne l’a pas totalement éradiquée, même si elle est devenue très rare chez nous. Mais il faut se souvenir que, dans les années 1950 encore, tout le monde avait peur de l’attraper. Aujourd’hui, un certain nombre de virus et de bactéries ayant disparu grâce à la vaccination, on se met à considérer que ce n’est finalement pas si nécessaire de vacciner – ou que l’on vaccine trop.

Mais un autre fait indiscutable est que, dès que l’on relâche l’effort de vacciner toute la population, ces maladies se répandent à nouveau immédiatement, et cela fait des morts. Cela a été le cas en France vers l’année 2010 pour la rougeole. Nous avons, chez nous, l’impression que la rougeole est une maladie bénigne. Mais il faut bien savoir qu’elle frappe 30 millions ­d’enfants dans le monde par an, et occasionne au moins 875 000 décès chaque année, ce qui n’est vraiment pas anodin ! Même chose pour la tuberculose ou pour la variole, qui tuaient, lors des grandes épidémies du XIXe siècle, environ 50 % de la population. Or, aujourd’hui, au Congo par exemple, la poliomyélite repart en flèche, avec une épidémie qui fait actuellement près de 40 % de morts parmi les personnes touchées.
De même, en 1979, la Suède a notamment cessé de vacciner contre la coqueluche : alors qu’on était à 700 cas en 1981, on était remonté à 12 000 cas en 1993. Et cette maladie fait des morts.

Ce sont les faits : la vaccination est une technique d’une remarquable efficacité qui sauve quantité de vies. Il ne s’agit pas d’être un ayatollah contre la vaccination, ni un ayatollah pour la vaccination. Il s’agit de vacciner à bon escient, mais de façon rigoureuse.

L’autre chose qu’il faut dire est que, comme pour toute ­intervention, il existe des effets secondaires. Pour la vaccination, on les connaît très bien. Ce sont des risques assez mineurs : depuis les rougeurs aux points d’injection jusqu’à de petites élévations de température ou des nausées.
Certes, il existe des risques de problèmes plus importants induits par la vaccination. Mais pour la poliomyélite, par exemple, le risque d’encéphalite – maladie effectivement très grave – est de 1 sur 2,7 millions. Cela reste donc extrêmement exceptionnel ! Pour chaque vaccin, on dispose de données scientifiques, et on connaît les risques.

Il reste que, pour moi, on ne vaccine pas assez, même dans nos pays. Il existe une raison à cela, qui s’ajoute au fait que de nombreuses personnes croient des rumeurs sur les prétendus effets néfastes de certains vaccins : c’est que l’on a, en Europe ou aux États-Unis, oublié ce que sont bon nombre de maladies graves, devenues rares… grâce à la vaccination. Dire qu’il faut moins vacciner est, à mon sens, une opinion luxueuse d’habitants de pays riches !

Clivages
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