À contre-courant / Rio Business ou l’imposture « verte »
dans l’hebdo N° 1207 Acheter ce numéro
À Rio de Janeiro, le sommet de la Terre s’annonce sous les auspices d’une participation sans précédent des multinationales et des lobbies financiers et industriels de toute sorte. Le choix de l’économie verte comme sujet majeur fait appel d’air : qui peut parler de l’économie verte à l’heure où seuls quelques malheureux dollars abondent les fonds publics multilatéraux ? Depuis le sommet de Rio 1992, le Business Council for Sustainable Development (BCSD) était déjà bien présent. Depuis, le Global Compact (Pacte global), lancé à Davos en 1999 autour de nombreuses entreprises multinationales, a approfondi cette stratégie. Son rôle est bien explicité dans ses statuts : cet organisme, qui rassemble les entreprises, les Nations unies et certaines ONG, n’est en aucun cas un moyen de surveiller les entreprises et d’établir une norme de conduite ^2. Fallait-il le préciser ?
Ces représentants du business ont d’ores et déjà plusieurs milliers d’inscrits pour la conférence officielle de Rio. Leur situation est d’autant plus favorable qu’en cette période de crise du multilatéralisme et de concurrence internationale exacerbée rien de ce qui pourrait ressembler à des normes, à des réglementations, à des droits humains et sociaux, voire à l’ébauche d’un droit de la Terre et à la constitution d’un tribunal international pour juger les crimes écologiques, ne risque de sortir de la conférence. Ce futur-là que nous voudrions voir advenir est actuellement entre crochets dans le dernier brouillon de déclaration finale, et il y restera. Les écarts du sommet de Rio 1992, qui malgré la célèbre déclaration du président Bush père – « Le mode de vie américain n’est pas négociable » – avait inscrit la reconnaissance d’une responsabilité historique des pays industriels dans les dérèglements écologiques, seront réparés dans les faits, puisque le principe directeur est le refus d’un accord qui pourrait être contraignant.
Il serait dangereux de se contenter d’y voir seulement la confirmation des dérives d’un néolibéralisme qui a soumis les États et les sociétés à la rationalité économique et financière, et qui entend maintenant soumettre la nature aux mêmes lois. Et de regarder ailleurs. En effet, la substitution des droits humains par des droits de propriété privée sur la nature – car tel est bien le contenu de l’économie verte en discussion à Rio –, dans une institution internationale qui n’est pas un conseil du patronat mondial, annihile toute possibilité d’une action politique globale pour prévenir les désastres écologiques.
Ne nous méprenons pas sur l’économie verte [^3] : nous avons besoin des entreprises pour assurer une transition écologique et sociale, nous avons besoin de nouvelles technologies adaptées aux humains et à la nature. Mais, contrairement aux principes du Global Compact et consorts, cette transition ne peut se réaliser à un niveau global et local qu’avec le respect des grands cycles écologiques, avec la reconnaissance des droits sociaux et écologiques, avec des normes et des réglementations, négociées au niveau international.
[^3]: Lire la Nature n’a pas de prix. Les Méprises de l’économie verte , Attac, éditions Les Liens qui libèrent, 2012.