Dans le Nord-Pas-de-Calais, la psychiatrie à la diète
Les établissements de santé mentale de la Région voient leur budget diminuer. Une mobilisation syndicale s’organise.
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À Saint-André, dans l’agglomération lilloise, l’établissement public de santé mentale (EPSM) devait ouvrir son service d’alcoologie cette année. Le projet semble compromis. Pour la première fois, l’Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais va diminuer le budget accordé à la psychiatrie pour 2012. Une décision locale qui choque un secteur sinistré. Le précédent gouvernement avait déjà réduit l’augmentation du financement alloué au secteur de 1,08 à 0,45 %.
Vers la fin mai, au gré des comités techniques d’établissement, les salariés apprennent la nouvelle, qui circulait à demi-mot : « Les directeurs ont d’abord cru à une erreur », admet Vladimir Nieddu, délégué SUD à l’hôpital de Saint-André. Dans toutes les structures régionales consacrées à la psychiatrie, les prévisions de recettes et de dépenses pour 2012 sont les mêmes : le secteur devra coûter moins cher encore, et son budget sera de 0,33 % inférieur à celui de 2011.
Avec près de 80 % du budget accordé au personnel, les salariés seront les premiers touchés par la mesure. Les syndicats évoquent la suppression de 120 postes pour atteindre un objectif de 4 millions d’euros d’économie. Une décision d’autant plus incompréhensible que la Région n’est franchement pas en avance sur le plan de la psychiatrie. « C’est une discrimination scandaleuse pour le Nord, s’agace Vladimir Nieddu. Les statistiques affichent un taux de suicide de 39 % supérieur à la moyenne nationale, et des médecins viennent de l’étranger combler le manque des établissements. »
L’état moral des habitants découlant de la situation économique, la demande de soins psychologiques est de plus en plus importante. « Le nombre de personnes prises en charge augmente de 5 % chaque année », souligne Gervais Debaene, infirmier psychiatrique et délégué CGT. La psychiatrie devient une variable d’ajustement pour réduire les coûts. Les thérapies médicamenteuses, considérées comme plus efficaces, prennent le pas sur les prises en charge étendues et régulières. « On préfère voir les patients en prison », tranche Gervais Debaene. Un malade qui viendrait déranger l’ordre public se voit directement interpellé.
La diminution exceptionnelle du budget accordé à la psychiatrie a suscité un front syndical qui compte bien se faire entendre. Pierre Paresys, directeur de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), précise que l’offre de soins dans la région est exclusivement publique. La décision de l’ARS, qui reste toujours sans explication officielle, pourrait en fait viser à favoriser l’émergence d’un secteur privé. Actuellement, cette politique budgétaire pousse de plus en plus les malades à renoncer aux soins et génère des surcoûts secondaires. Les symptômes sont traités en urgence mais les causes de la pathologie demeurent.
Les quatre EPSM de la Région ont été les premiers à appeler à la mobilisation, mardi 12 juin. Mais l’ensemble des services est concerné par cette diète budgétaire. « Des services importants à Valencienne ou à Maubeuge vont devoir également réduire leur personnel », note Vladimir Nieddu. Alors que l’ARS reste muette (et n’a pas souhaité répondre à Politis ), les élus ne se sont pas prononcés sur le sujet. Au sein des syndicats, on dit que Martine Aubry aurait écrit à Daniel Lenoir, directeur de l’ARS. La présidente du conseil d’administration de l’Institut Pasteur de Lille (fondation privée) lui demanderait de revenir sur cette mesure. Une touche d’espoir pour faire vivre la mobilisation générale.