La justice contre la morale
dans l’hebdo N° 1206 Acheter ce numéro
Cela pourrait passer pour un sujet de bac philo : « Le droit contre la justice ». Ou encore, « le droit peut-il être injuste ? ». Mais l’actualité de ces dernières semaines a plusieurs fois montré que nous n’étions pas dans la théorie, et bien dans la réalité. C’est le pétrolier Total, affréteur de l’ Erika , qui pourrait être exonéré de ses responsabilités dans la désastreuse marée noire de décembre 1999 ; ce sont les victimes de l’amiante condamnées à rembourser une partie des indemnités perçues ; c’est le délit de harcèlement sexuel qui cesse d’exister parce qu’il est soudain déclaré « contraire à la Constitution » par le Conseil constitutionnel…
C’est l’affaire du Mediator, et ce sont d’autres dossiers douloureux, plus anciens, comme le sang contaminé ou les hormones de croissance. Autant d’affaires dans lesquelles des décisions ont heurté l’idée que l’on se fait de la justice, et même – n’ayons pas peur des mots – de la morale. Mais est-ce vraiment le droit qui est en cause ? N’est-ce pas plutôt l’interprétation que des femmes et des hommes en font dans un contexte donné, et en fonction d’un rapport de force qui intègre la puissance financière et politique de l’une des parties ?
N’est-ce pas le poids de cabinets d’avocats surpuissants, toujours capables de trouver dans les textes la brèche dans laquelle s’engouffrer ? In fine , cela pose évidemment la question de la marge de manœuvre des juges et des tribunaux. C’est le sujet que nous avons évoqué avec Marie-Odile Bertella-Geffroy, elle-même juge d’instruction, qui invite à « plus de souplesse » dans le rendu de certaines décisions.
Une phrase de la magistrate résume assez bien le débat : « Les magistrats, dit-elle, se doivent d’incarner l’autorité morale bien plus que le pouvoir ». On devine derrière ce propos une terrible critique d’une certaine pratique de la justice et d’une certaine lecture du droit. Car, encore une fois, ce n’est pas tant le droit, consubstantiel à toute société démocratique, qui est en cause, mais parfois ceux qui ont la charge de le dire.
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