Les textiles DMC victimes de ses actionnaires ?

DMC SAS, la prochaine victime du fonds d’investissement Krief group ? Trois ans après la reprise du numéro un mondial du fil à broder, les salariés craignent une délocalisation de l’usine de Mulhouse. 200 salariés sont dans la balance.

Anaïs Gerbaud  • 15 juin 2012
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Les textiles DMC victimes de ses actionnaires ?

L’annonce a résonné comme un coup de tonnerre au sein du personnel de DMC SAS , leader mondial du fil à broder. Le 9 mai dernier, l’actionnaire principal Louis Petiet, à la tête du fonds d’investissement Krief group, a annoncé l’ouverture du capital de l’entreprise à d’autres sociétés. L’objectif d’accélérer la croissance et de développer DMC à l’international paraît louable. Un élément vient perturber la manœuvre le 15 mai : Krief group, réputé pour sa gestion comptable douteuse, est placé en redressement judiciaire. A la recherche de fonds, Louis Petiet cède 7,4% de ses actions au deuxième actionnaire de DMC, l’Alsacien Edouard Hubsch, propriétaire du fonds d’investissement, Jekiti mar.

Pour l’intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CGT), cela ne fait aucun doute : les deux hommes sont en train de monter « une opération financière », avec pour seul intérêt celui de « faire de la plus-value, au détriment de la modernisation de notre outil de travail et des accompagnements nécessaires en commercial et marketing ». Et avec pour issue, « une délocalisation de la production », craint Mario Dollmann, délégué syndical à la CFDT. Si le scénario se produit, plus de 200 salariés de l’usine de Mulhouse risquent le licenciement. « Nous craignons de servir de vache à lait des financiers, car nous voyons difficilement de nouveaux actionnaires acheter les actions au prix fort et investir dans l’entreprise », analyse le syndicaliste. Dans son esprit, les actionnaires peuvent aujourd’hui tirer « plusieurs dizaines de millions d’euros » du capital de DMC, lequel a fructifié en trois ans.

« Infraction au code de commerce »

« Nous ne voulons pas revivre la tragédie de 2008 », résume un communiqué de l’intersyndicale. En décembre 2008, Louis Petiet s’était érigé en sauveur de DMC, au bord de la faillite. Krief group a repris la société en promettant un effort conséquent des actionnaires, un apport de 8 millions d’euros de fonds propres. Or selon les bilans, seuls 450 000 euros ont été versés, dont 100 000 par Krief group. Mais les faits s’avèrent plus graves, puisque ces comptes sont falsifiés, révèle une expertise récente du cabinet Fimecor Baker Tilly.

Accablante, l’étude prouve que « le principal actionnaire n’a pas apporté de fonds pour le développement de l’activité reprise ». Pour dissimuler la carence, les stocks de l’ancienne société ont été refacturés dans le bilan comptable de 2009. Louis Petiet est soupçonné d’avoir utilisé l’argent de DMC dès 2008 pour renflouer sa holding ! « Krief group (…) ponctionne la trésorerie de DMC SAS pour assurer ses propres échéances financières et ses besoins de trésorerie auxquels il est lui-même incapable de faire face au regard de sa situation de déconfiture. Krief group capte ainsi la totalité de la trésorerie disponible de sa filiale au mépris du développement commercial et de l’investissement (…) », écrivent les experts. La holding de Louis Petiet ressemble à un puits sans fond(s), au point d’être en cessation de paiement. Fimecor Baker Tilly souligne aussi « l’implication forte des investisseurs Jekiti mar et Financière Müller (le 3 e actionnaire, NDLR) » dans ces opérations. Pour le cabinet, une « infraction de l’article L 642-6 du Code de commerce » est avérée. Les syndicats réfléchissent à une action au pénal pour condamner les dirigeants. Ils ne veulent pas attendre que la société DMC coule. Pour l’instant, l’entreprise fait des bénéfices.  

Chez le leader du fil à broder, pressions et licenciements abusifs émaillent le cours des événements, selon le syndicaliste Mario Dollmann. A l’en croire, les salariés paient un désaccord qui date de 2008. « Depuis la création de la nouvelle société DMC SAS les délégués CFDT sont continuellement pris à partie par la direction, on peut se poser la question si ce n’est pas par rapport à notre position lors de la cession de la société DMC SA, où nous étions plutôt pour la reprise par la société Blanchard » , lit-on dans un courrier de Mario Dollmann adressé au Directeur des ressources humaines (DRH). Le syndicaliste fait référence au concurrent Blanchard, qui a perdu la bataille de la reprise en 2008. Il affirme aussi avoir subi des menaces verbales de la part du DRH. Par ailleurs, quatre salariés ont entamé une procédure au tribunal des prud’hommes pour licenciement abusif.

Ennuis judiciaires

Louis Petiet n’en est pas à son premier coup de poker. En octobre 2011, il est mis en examen à Mulhouse et soupçonné de malversations liées à sa gestion de l’entreprise SAIC Velcorex, anciennement DMC Tissus. Quelques mois plus tôt, l’entreprise textile a mis la clé sous la porte. Sur 14 sociétés reprises (Soho, Isotherma…) en trois ans, deux ont été liquidées. Krief group utilise une technique courante pour racheter une société en redressement, avec la promesse de lui apporter des millions d’euros de fonds propres. Une promesse qui peut relever du miracle : en 2009, le tribunal de commerce a douté de la bonne foi de Krief group et rejeté son plan de reprise de l’équipementier automobile Heuliez.

Trente ans d’expérience

Dans les médias, Louis Petiet se vante de mettre ses « trente ans d’expérience au service de l’emploi et d’un nouveau capitalisme social »  !. En 2010, devant des étudiants de l’Institut supérieur de gestion, il se félicite de reprendre « des groupes industriels pourris, parce qu’on ne les paye pas » , explique-t-il (lire dans l’Expansion). (…) Contre un chèque de banque de 30.000 euros, on me donne des actifs pour 150 millions d’euros. (…) C’est très bien de dire que l’on n’a pas d’argent. Cela me permet de faire des restructurations merveilleuses ». La messe est dite.

Société Travail
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