Photovoltaïque : l’Allemagne rayonne
À la fin du mois de mai dernier, pendant quelques heures, le pays a couvert près de la moitié de sa consommation électrique grâce à l’énergie solaire photovoltaïque. Un record mondial encourageant.
dans l’hebdo N° 1207 Acheter ce numéro
Pendant environ deux heures, au moment du déjeuner, l’Allemagne a vu vendredi 25 mai près d’un tiers de sa consommation d’électricité couverte par son parc de panneaux photovoltaïques. Le lendemain, la proportion était proche de la moitié. À l’IWR, l’institut des industries des énergies renouvelables, on espérait secrètement un coup de maître : une couverture de 100 % le lundi suivant, jour férié pour cause de Pentecôte. L’ensoleillement en a décidé autrement mais ce n’est probablement que partie remise.
L’Allemagne aurait ainsi battu un record mondial : pendant quelques heures, la puissance photovoltaïque en service dans le pays a atteint le total impensable de 22 gigawatts (GW) [^2], l’équivalent de 22 réacteurs nucléaires ! « Et dire qu’en France, on a tellement entendu que le photovoltaïque ne parviendrait jamais à dépasser 1 % de la consommation ! », s’exclame Yves-Bruno Civel, directeur de l’Observatoire des énergies renouvelables à Paris. Certes, l’intermittence de l’ensoleillement n’autorise actuellement une telle performance qu’en de rares occasions. Mais elle frappe les esprits car elle découle avant tout d’une progression constante de l’effort d’équipement du pays. En 2011, le record de puissance photovoltaïque en service avait atteint 14 GW.
Si le taux de couverture des besoins a atteint un tel niveau, c’est aussi en raison d’une faible consommation : samedi 26 mai à midi, au milieu des congés de la Pentecôte, les administrations et la plupart des entreprises étaient fermées. Néanmoins, là encore, ce record est loin d’être anecdotique : le réseau allemand a démontré qu’il était capable d’absorber sans encombres une proportion considérable d’électricité verte. Le débat porte sur l’intermittence de sources comme le solaire ou l’éolien. Que se passerait-il en cas d’aléa brusque, et notamment en cas d’excès soudain de soleil ou de vent ? Par prudence, la France a ainsi établi un règlement autorisant EDF à déconnecter panneaux photovoltaïques ou éoliennes au cas où leur production cumulée atteindrait 30 % de la consommation instantanée sur le réseau.
« L’Allemagne montre que cette borne est arbitraire », estime Arnaud Mine, président de Soler, branche photovoltaïque du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Il cite une simulation allemande montrant que le réseau parviendrait à gérer sans risque majeur la production électrique issue de pics exceptionnels simultanés de vent en mer du Nord et d’ensoleillement dans le sud du pays. « L’Allemagne avance plus vite que prévu », se réjouit-il. Sur les 365 jours de l’année, la contribution du photovoltaïque s’élève plus modestement à 4 % de la consommation (0,1 % en France). Cependant, la production conjointe de l’éolien, de la biomasse, de l’hydraulique et du solaire couvre 20 % des besoins à l’année, en hausse de 20 % depuis août dernier, date à laquelle l’Allemagne a décidé de sortir du nucléaire en fermant, dans un premier temps, 8 de ses 17 réacteurs.
Alors que cette montée en puissance devrait se poursuivre à bon rythme (une réduction ambitieuse des émissions de CO2 de 40 % est envisagée à l’horizon 2020), le pays se trouve confronté à la nécessité urgente de moderniser son réseau électrique, pour permettre l’injection d’électricité verte issue de divers points du territoire, mais aussi pour mieux gérer la distribution, voire, à terme, moduler la demande des consommateurs de manière à adapter les comportements à l’intermittence des sources renouvelables, « dont on voit bien qu’elle trouve des solutions, contrairement aux arguments passéistes servis par les lobbies de l’énergie en France, EDF en tête », souligne Arnaud Mine.
[^2]: Pour une capacité totale installée de 27 GW fin 2011 (il n’y avait donc pas plein soleil sur 100 % des panneaux le jour du record).