Police, justice : Changement d’ambiance
Dans les annonces du gouvernement, police et secteur judiciaire occupent une place importante. Inventaire des mesures à venir.
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Détricotée à coups de réformes impulsives, la justice se souviendra longtemps des années Sarkozy. En annonçant la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, projet phare de l’ancien Président contre la récidive, Christiane Taubira, la nouvelle garde des Sceaux, marque la différence et amorce une reconstruction.
Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, crée également la rupture. Porté médiatiquement par l’accident de Villiers-le-Bel, il reprend un rôle de médiateur entre police et société civile. Discours et déplacements symboliques font pencher doucement la justice et la police dans une autre direction.
Mineurs
La suppression des chambres correctionnelles pour mineurs a été l’annonce forte de l’investiture de la garde des Sceaux, saluée par l’ensemble de la magistrature. Mises en place par la loi Mercier d’août 2011, ces chambres correctionnelles visaient à accélérer les procédures de jugement des mineurs délinquants, plaçant les jeunes au même niveau de responsabilité
que les adultes face à la justice.
Composés de trois magistrats professionnels (un juge des enfants et deux juges non spécialisés), ces tribunaux étaient chargés de juger les récidivistes de 16 à 18 ans poursuivis pour des infractions passibles d’au moins trois ans de prison. Ces jeunes étaient donc exclus des tribunaux pour enfants, composés d’un juge des enfants et de deux citoyens assesseurs spécialistes de l’enfance.
Christiane Taubira remet ainsi à l’ordre du jour l’ordonnance de 1945, qui revendique une justice fondée sur l’éducation plus que sur la répression.
Prisons
Avec près de 66 915 détenus au 1er juin 2012, les prisons françaises enregistrent un taux de surpopulation de 117 %. Record historique. Pour désengorger les cellules, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, lance l’idée d’une amnistie pour les condamnés à des peines très légères prononcées avant 2012.
Un pavé dans la mare que le ministère de la Justice a décidé d’esquiver net. « La solution n’est pas d’aller vers des amnisties automatiques » , a affirmé Delphine Batho, ministre déléguée de la Justice. D’autres pistes devraient donc être privilégiées : suppression des peines plancher, aménagement des peines, développement du travail d’intérêt général.
Amnistier les petits fraudeurs aurait réglé rapidement la question du manque de place en prison, mais cette solution mettait le gouvernement face à un autre écueil : fautil dépénaliser le cannabis ? Une mesure que la Grèce a prise en septembre 2011.
Contrôles au faciès
Selon une étude du CNRS, un Noir ou un Arabe a respectivement 6 et 7,8 fois plus de probabilités de subir un contrôle d’identité qu’un Blanc. Jusqu’à maintenant, ces abus étaient difficilement démontrables.
Le 1er juin, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé la mise en place prochaine d’un récépissé qui devra être délivré par les agents aux personnes contrôlées. Y figureront le numéro de matricule du policier et la raison qui l’a poussé à effectuer le contrôle.
Place Beauvau, Claude Guéant avait toujours refusé cette demande des associations antiracistes, sous prétexte qu’elle entraînerait trop de paperasse.
Villiers-le-Bel
Quand une voiture de police percute la moto de deux jeunes dans un quartier de Villiers-le-Bel, samedi 9 juin, le souvenir des émeutes de novembre 2009 refait surface. Mais, cette fois, le ministre de l’Intérieur se rend directement au chevet des deux jeunes blessés.
Une démarche simple qui a pourtant suffi à apaiser les tensions entre la police et les habitants. Dans son rôle de médiateur, Manuel Valls n’a pas oublié les agents de la brigade anticriminalité impliqués dans la collision. Il s’est rendu dès le lendemain au commissariat de Villiersle-Bel pour renouveler son soutien aux fonctionnaires. Le tribunal correctionnel de Pontoise a ouvert une information judiciaire sur les circonstances de l’accident.
Fouilles à nu
La question des fouilles à nu dans les prisons sera abordée au Sénat dans le cadre d’une mission de contrôle sur la loi pénitentiaire de 2009, qui remettra ses conclusions le 2 juillet. La loi de 2009 stipule que les fouilles à nu doivent « être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques […] à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre de l’établissement ».
Mais, selon Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe communiste, républicain et citoyen, et membre de la commission de contrôle, « rien n’a
changé. La fouille reste un moyen de pression qui permet de maintenir
l’ordre ».
Très peu d’établissements possèdent des détecteurs électroniques pour éviter ces opérations humiliantes. Une campagne lancée en août 2011 par l’Observatoire international des prisons (OIP) encourage les détenus à porter plainte.
CEF
La mission de contrôle sur la loi pénitentiaire de 2009 évoquera aussi l’efficacité des centres éducatifs fermés (CEF). Créés en 2002 afin d’éviter la prison aux mineurs condamnés, ces centres sont gérés par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui travaille avec éducateurs, psychologues, enseignants…
Aujourd’hui, 44 CEF sont ouverts en France. Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a annoncé vouloir doubler ce chiffre. Aucune étude d’efficacité n’a été menée à ce jour.