Rio plus vain

La conférence de l’ONU s’est conclue sur un grand vide. La société civile, à travers le Sommet des peuples, n’a pas non plus produit d’avancées collectives.

Patrick Piro  • 28 juin 2012 abonné·es

« On remet en ordre les fauteuils sur le pont du Titanic alors qu’il est en train de sombrer ! » La formule de Kumi Naidoo, directeur général de Greenpeace international, résume bien l’état d’esprit des associations, mais aussi de nombreux experts ou politiques à la lecture de la déclaration finale de la conférence de l’ONU sur le développement durable « Rio+20 », qui s’est tenue dans la ville brésilienne du 15 au 22 juin. « Résultats dérisoires », « désastre », « déception immense », « colère », les commentaires sont unanimement durs envers les 60 pages de litanie dévertébrée : « Nous réaffirmons », « nous notons », « nous soulignons » … Les représentants des 190 pays ne « décident » qu’à l’occasion de deux des 283 articles : pour créer auprès de l’ONU une « instance politique de haut niveau qui assurera le suivi des activités de développement durable » et pour en définir le format…

Une timide tentative surgit pour évoquer la protection des espèces marines de haute mer : le Programme de l’ONU sur l’environnement sera simplement « renforcé ». Et le souhait est exprimé d’établir, d’ici à 2015, des « objectifs de développement durable » à portée universelle. Mais, là encore, il ne s’agit que d’un « processus », dont tout reste à définir. « C’est pourtant le seul point auquel se raccrocher », relève le consultant international Pierre Radanne, qui prédit que ce texte rejoindra vite les poubelles de l’histoire. Quels enseignements tirer de ce fiasco ? Tout d’abord, le niveau de défiance entre les nations. Il a atteint à Rio un sommet. De vieilles coalitions se sont reformées, avec les pays du Nord contrés par un pôle G77 (pays du Sud) qu’ont réintégré les grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil).

La crise économique, qui a tari les financements issus des pays industrialisés, renforce le jeu de dupes : à quoi bon lancer des initiatives fortes qui s’enliseront à l’heure d’aborder l’aide aux pays pauvres ? Les sempiternels « mécanismes innovants » butent, eux aussi, sur l’absence de consensus internationaux (taxe sur les transactions financières, par exemple). Par ailleurs, Rio+20 confirme l’impuissance de ces mégaconférences onusiennes face à des sujets aussi complexes. C’est en sabrant tous les points qui fâchent que la conférence est parvenue à accoucher d’une déclaration dont plus de 80 % des éléments étaient encore en débat trois jours auparavant. Aussi n’était-il pas surprenant, dans les couloirs de Rio+20, d’entendre dire du bien, plus que de coutume, de la « société civile ». On la rencontrait en partie, dans sa grande diversité, au parc Flamengo, où s’est tenu un « Sommet des peuples » (15-23 juin). Après un démarrage chaotique, un programme impraticable, des annulations d’activités en nombre, les réseaux les plus réactifs ont pu tirer profit de cette rencontre. Mais elle s’est contentée de vivre comme un festival, accolant une multitude d’initiatives que les organisateurs n’ont pas été en mesure de faire travailler ensemble pour construire des propositions communes. Une déclaration finale a pourtant été élaborée [[[cupulados
povos.org.br->cupulados povos.org.br]]]. Non signée, elle reflète l’esprit de l’anticapitalisme et des luttes des années 1970 (lutte contre la militarisation, contre la criminalisation des mouvements sociaux…). Ainsi, l’appel à changer de système énergétique est rejeté en queue des propositions. Pas un mot, ou presque, sur l’approche des importants réseaux travaillant sur l’eau, l’économie solidaire, le commerce équitable, ou encore le « bien-vivre » des communautés indigènes (pourtant près de 1 500 représentants à Rio !).

Toutefois le Sommet des peuples a consacré une homogénéité grandissante dans l’analyse des causes de la crise planétaire, et un consensus pour rejeter les fausses solutions telles que l’économie verte à la mode Rio+20. Ce n’était pas acquis tant le concept peut paraître séduisant au premier abord.

Écologie
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