Théâtre : Champs littéraires

Le théâtre paysan existe-t-il ? Bien sûr, mais de façon clandestine. Il n’émerge presque jamais. Sauf, peut-être, la compagnie de Patrick Cosnet, installée dans le Maine-et-Loire. Elle possède même, à Pouancé, un théâtre quasi permanent, qui fonctionne quand les comédiens ne sont pas en tournée. Cette équipe, c’est avant tout un acteur-auteur issu du monde agricole, Patrick Cosnet, qui conçoit et interprète tous les spectacles depuis vingt ans, mis en scène par son complice Jean-Luc Placé.

Cosnet trace des tableaux du monde rural en riant, mais en mettant le doigt là où ça fait mal. Sa première pièce, la Casquette ** du dimanche, qu’il continue de jouer depuis la création et qu’on a même pu voir à Paris naguère, fait discuter des gens lors d’un enterrement. L’air de rien, ce Cosnet est un personnage important de notre théâtre. Sa nouvelle aventure est un périple appelé « Fermes en scène ». Depuis le 25 mai, il fait un tour de France avec ses partenaires pour présenter plusieurs pièces (il en a une dizaine à son actif), mais surtout sa dernière création, la Casquette de travers. Rien que dans des fermes, mais vraiment dans toute la France. La scène est en fait une grande remorque aménagée qui se déplace d’une campagne à l’autre tirée par un tracteur. Il y a parfois une animation avec discussions et présentation de produits locaux, mais pas toujours : à la Bergerie nationale de Rambouillet, où nous avons vu la pièce, pas de verre à boire ni de rillettes à avaler. Rien que du théâtre ! L’action de la   Casquette de travers de Cosnet et Placé se tient dans le village de Chauvigné-du-Désert. Un homme originaire de ce bourg revient après avoir passé sa vie loin de là, pour rouvrir un café fermé. Un ami musicien vient l’aider. Sur le passé et le présent, la discussion bat son plein. Des villageois passent, dont une femme prête à vivre un nouvel épisode sentimental.

Ce pourrait être une bluette, mais le jeu de Patrick Cosnet, qui joue deux rôles en compagnie de Gabriela Barrenechea et Jean-Luc Montembault, est d’une telle justesse que le tableau social est criant. Peignant les riches et les pauvres du monde rural, il saisit une humanité oubliée avec une ironie noyée dans la tendresse.