Un ailier gauche nommé Pier Paolo Pasolini

Les Terrains , des écrits sur le sport par le poète et réalisateur italien.

Jean-Claude Renard  • 14 juin 2012 abonné·es

Le lendemain de son assassinat, le 1er novembre 1975, sur une plage d’Ostie, Pier Paolo Pasolini devait jouer un match de football au stade de la Favorita, à Palerme, au poste d’ailier gauche, dans l’équipe des gens du spectacle qui, à l’initiative de la Roma Actors Organisation, rencontrait, à l’occasion de tournées, une formation faite de vieilles gloires du foot. Pasolini devait jouer notamment aux côtés de Raf Vallone, Fabio Testi, Ninetto Davoli. Selon ce dernier, Pasolini était surnommé Stukas, « à cause de sa façon typique de s’élancer sur l’aile gauche et de sa course brûlante. Il avait un physique parfait, vigoureux, jamais un kilo de trop. Quand il jouait au ballon, il était comme un gamin ».

Poète, romancier, essayiste, photographe, scénariste, personnalité engagée surtout, marginale, provocatrice, sulfureuse, figure de « l’intellettuale integrale », à la manière des artistes de la Renaissance, façon Léonard de Vinci, se fondant sur une pensée et une philosophie de type humaniste, Pasolini n’a pas fait que jouer ailier gauche. Il assiste aux matchs, écrit sur ses passions sportives : le cyclisme, qui vit ses « dernières années de sport paysan et prolétaire », et le foot donc, qui lui permet d’approfondir sa connaissance des quartiers populaires et qu’il juge en ultime « représentation sacrée de notre temps ». Aujourd’hui paraît une petite somme de textes dédiés au sport, publiés dans différentes revues, des années 1950 aux années 1970. Un recueil qui permet de découvrir un « autre » Pasolini, l’homme plus que l’artiste ou l’intellectuel, « ses parcours de réflexion plus que son côté créateur, néanmoins manifeste dans son acte d’écriture », souligne Flaviano Pisanelli dans sa préface.

Sur un terrain qui n’est pas strictement littéraire, le sport possède aussi son langage, le foot a « son système de signes, ses poètes et ses prosateurs ». Et Pasolini de fouiller les tactiques et stratégies, l’univers des supporters au sein d’un monde de plus en plus médiatisé, d’observer la mutation d’une activité physique en rite public tourné vers le spectacle, où « pelouse et ring sont devenus des scènes de théâtre », de mesurer l’essor de la star sportive et du culte de la vedette, sa présence croissante dans la publicité et les médias (déjà). Soit un Pasolini visionnaire, à la fois désolé et fasciné, enthousiaste et tifoso.

Cinéma
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