Une victoire du bipartisme et de l’abstension

Le PS, qui s’impose au détriment du Front de gauche et d’EELV, devrait disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Autour de l’UMP, la droite disposera d’un groupe important.

Michel Soudais  • 14 juin 2012 abonné·es

Le Parti socialiste peut voir la législature en rose. Arrivés en tête du premier tour des législatives avec 34,43 % des suffrages exprimés, les socialistes et leurs seuls alliés PRG, MRC et divers gauche semblent en bonne voie d’obtenir la majorité absolue des sièges dans la future Assemblée nationale (289). Et de pouvoir se passer de l’appoint des députés Verts et rouges.

Avec des stratégies opposées, le Front de gauche et Europe Écologie-Les Verts escomptaient pouvoir disposer d’un groupe autonome pour peser sur les choix de la nouvelle majorité. Ce ne sera vraisemblablement pas le cas. La « bataille des gauches » s’est achevée au premier tour par une victoire écrasante du PS, qui n’a eu de cesse d’ostraciser tous ceux qui, à gauche, n’adhèrent pas au projet de François Hollande.

Au-delà du symbole de l’échec de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont, le Front de gauche, qui se présentait partout en concurrence avec le PS et ses alliés, perd beaucoup de terrain par rapport à la présidentielle. Son score (6,91 %) est supérieur à celui du PCF en 2007 (4,07 %) mais le gain en sièges risque d’être négatif. Plusieurs de ses élus sortants, pour certains parmi les plus actifs de l’hémicycle, sont éliminés dès le premier tour, comme Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche (PG), dont la circonscription avait été redécoupée, ou devancés par un candidat socialiste : Roland Muzeau (PCF, 29,76 %), président du groupe de la gauche démocrate et républicaine, et Marie-Hélène Amiable (PCF, 29,2 %), dans les 1re et 11e circonscriptions des Hauts-de-Seine, Jean-Pierre Brard (app. PCF, 32,75 %) et Patrick Braouezec (Fase, 31,17 %) en Seine-Saint-Denis, Pierre Gosnat (PCF, 30,28 %) dans le Val-de-Marne, Jean-Paul Lecoq (PCF, 30,26 %) au Havre. Le PCF perd également le siège d’André Gérin (Rhône), qui ne se représentait pas. Si certains au PCF caressaient l’espoir d’une participation gouvernementale, ces revers les ont sans doute convaincus d’y renoncer.

Côté EELV, l’accord conclu avec le PS en novembre comportait un volet programmatique abandonné depuis, et un volet électoral qui réservait une soixantaine de circonscriptions pour les candidats Verts. EELV devait obtenir 15 élus en cas de défaite de la gauche, 25 à 30 si elle l’emportait. Dimanche, au vu des voix obtenues par ses candidats (5,46 % des suffrages), les projections lui en accordaient entre 8 et 18.

Dans les circonscriptions « réservées » par le PS à des candidatures écologistes, une vingtaine de candidatures dissidentes de gauche ont douché les espoirs qu’EELV formait pour Michel Balbot (Côtes-d’Armor), Magali Deval (Finistère), Slimane Tir (Nord), Philippe Meirieu (Rhône), mais aussi pour Thierry Pradier (Sarthe), Agathe Remoué (Ille-et-Vilaine), Nicolas Guillemet (Saône-et-Loire), Omar Ayad (Orne). La stratégie d’arrimage au PS choisie par EELV ne s’est pas révélée plus fructueuse que « l’autonomie conquérante » du Front de gauche.

Si les socialistes taillent des croupières à leurs concurrents de gauche, ils n’entament guère le capital de la droite, qui « sauve les meubles ». Avec 34,10 % des suffrages, l’UMP, alliée au Nouveau Centre, au Parti radical et aux divers droite, talonne le PS. Et devrait conserver une forte représentation dans la future assemblée (entre 210 et 263 sièges). Le bipartisme sort renforcé. Ces législatives ont rejoué dans les 577 circonscriptions l’affrontement du 6 mai, autour d’une unique question : « Confirmation ou cohabitation ? » Revers de la médaille, les législatives 2012 enregistrent un nouveau record d’abstention : 42,77 % des électeurs ont boudé un scrutin précédé d’aucune véritable campagne nationale et présenté comme un simple vote de confirmation.

Cette faible participation a un avantage : elle ne permet au FN, qui obtient un score national (13,6 %) nettement supérieur à celui de 2007 (4,24 %), de se maintenir que dans 61 circonscriptions, dont 32 triangulaires ; en 1997, avec une participation bien plus importante et 14,94 %, le FN avait pu maintenir ses candidats dans 133 circonscriptions, provoquant un grand nombre de triangulaires fatales à la droite gouvernementale. Mais l’Assemblée nationale qui sortira des urnes sera la plus mal élue de la Ve République, signe d’un système à bout de souffle qui annihile tout véritable débat sur les politiques alternatives.

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