Au royaume des Roms
dans l’hebdo N° 1210 Acheter ce numéro
On peine à leur donner un nom : Roms, Tsiganes, Gitans… On hésite sur leur origine, probablement l’Inde du Nord et le Sindh. Leur itinéraire à travers l’Asie mineure et l’Europe orientale nous semble incertain. Leur destination ne l’est pas moins. Et on se perd dans leur diversité. Ce mystère pourrait n’être qu’un objet de curiosité ; il alimente souvent nos peurs et notre hostilité. En fait, par leurs traditions et leur mode de vie, les Roms nous interrogent sur notre conception de la nation. Eux qui se réclament d’une « nation sans territoire », comme l’explique ici Jean-Pierre Dacheux, heurtent l’idée républicaine qui associe étroitement nation et territoire. Même la diversité de leurs religions brouille nos repères.
La France, qui fait mine de dépasser les origines, mais qui, au fond, aime tant le terroir et les racines, est déstabilisée devant ce peuple de nomades, même lorsque son nomadisme n’est plus que virtuel. Tous ces antagonismes culturels expliquent en partie la stigmatisation dont les Roms sont la cible. Leur condition sociale, qui en fait souvent des pauvres parmi les pauvres, contribue aussi à cette stigmatisation que le sarkozysme a érigée en politique.
Le collectif Romeurope demande aujourd’hui au nouveau gouvernement « l’arrêt de toute évacuation de lieux de vie sans proposition d’hébergement ou de relogement, l’instauration d’un moratoire sur les expulsions », ainsi que « la levée des mesures transitoires qui limitent l’accès au marché du travail français aux ressortissants roumains et bulgares ». Le collectif a reçu le soutien précieux de la sénatrice EELV Aline Archimbaud, qui a déposé une proposition de résolution. Dans ce dossier, nous avons rencontré les Roms dans une ville de Moldavie où ils sont « chez eux ». On verra dans le reportage de Jennifer Austruy que ce « chez eux », juché sur la « Colline des Tsiganes » de Soroka, n’est jamais qu’une étape, et finalement un mythe auquel ils donnent forme en bâtissant d’étranges demeures dont l’extravagance cache la misère.
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