Au secours, la gauche revient
dans l’hebdo N° 1210 Acheter ce numéro
Avant (rappelle-toi, Barbara, c’était il y a deux mois) : nous vivions sous le joug pesant d’une droite « décomplexée » qui mettait plein d’application à réciter quotidiennement (ou presque) des slogans piochés dans la propagande faf, du style, tou(te)s ces immigré(e)s, mâme Dupont, ça fait quand même trop d’immigré(e)s, convenez – surtout quand on pense qu’ils sont encore vingt milliards, massés à Vintimille (Italie), qui attendent la nuit pour remonter le Rhône jusqu’au boulevard Haussmann, 75008 Paris [^2].
Mais rassurez-vous, mâme Dupont, no pasaran, et non seulement no pasaran, mais nous allons de surcroît (et de ce pas) virer ceux qui, profitant du laxisme droitdelhommard d’antan, sont venus planter leur tente au pied de votre F2, allez, raus, les Touaregs. À l’époque affreuse dont nous parlons ici, le ministre de l’Intérieur s’appelait Briche [^3] Hortefeux : il n’aimait rien tant que de narrer qu’il se montrerait, dans le virage des immigré(e)s irréguliers, « ferme, mais humain » – et qu’il s’était, à cet effet, donné comme objectif de bouter loin du palier de mâme Dupont (qui en avait ras les cacahouètes de marcher sur des Malien[ne]s sitôt qu’elle sortait s’acheter son brie) 27 000 sans-papiers l’an – et plus, si affinités. (« Je dis 27 000, mais si j’arrive à 27 545, Nicolas me filera une prime. ») Puis, le ministre de l’Intérieur s’est appelé Claude Guéant, et il avait le goût de psalmodier qu’il ambitionnait, quant à lui (car il était moins timoré que son cher pote Briche), de renvoyer, tous les douze mois, 30 000 sans-papiers – fermement, certes, mais, il va de soi : humainement.
Cela, donc : c’était avant. Maintenant : nous sommes après. La gauche est – enfin – revenue aux affaires, et la terrible parenthèse réactionnaire des années Briche & Claude n’est déjà plus qu’un mauvais souvenir. Le ministre de l’Intérieur s’appelle désormais Manuel Valls, et il promet (conscient qu’il est de la nécessité d’un changement significatif dans le traitement que la République réserve aux pauvres hères qui n’ont pas eu la chance inouïe de naître dans le Loiret d’une antique lignée carnute), qu’il se montrera, de son côté, « humain, mais ferme » [^4], dans l’expulsion des sans-papiers. (À la différence, donc, de ses prédécesseurs, qui se voulaient, eux, « fermes, mais humains » : ces gens de chez Sarko étaient décidément horribles, quand on y repense.) Et il prévient [^5] qu’il ne faut pas que la droite vienne lui mordre les mocassins, parce qu’elle a, dans une débauche de tolérance, « régularisé de 26 000 à 30 000 personnes par an. C’est-à-dire massivement ».
En résumé : le gars est là depuis pas deux mois, et le voilà déjà qui piaule qu’il sera moins latitudinaire, avec les immigré(e)s, que le permissif Briche et le trop bonasse Claude. Je serais toi, Mamadou, je me planquerais à double tour : la gauche est de retour.
[^2]: Avec un bout aussi dans le 75009, maintenant que j’y réfléchis.
[^3]: Nous adoptons ici l’écriture auvergnate.
[^4]: Le Monde , 27 juin 2012.
[^5]: Dans l’Express , le 27 juin 2012.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.