Gaz : se chauffer, un luxe
L’annulation par le Conseil d’État du gel des prix du gaz relance la polémique sur la libéralisation du secteur de l’énergie.
dans l’hebdo N° 1212 Acheter ce numéro
Le Conseil d’État a relancé la polémique sur l’envolée des prix de l’énergie depuis la libéralisation du secteur en 2007. Saisie notamment par GDF-Suez, la haute juridiction de l’État a annulé un arrêté de septembre 2011 gelant les tarifs du gaz, et contraint le gouvernement à réviser ces tarifs dans un délai d’un mois. Cette décision pèsera lourdement sur les ménages qui ont « atteint un seuil d’insupportabilité économique et social », alerte la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV). Alors que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a promis de limiter à 2 % la hausse des tarifs du gaz, les opérateurs pourront facturer rétroactivement une hausse de 8 à 10 %. Ce qui représente « en moyenne entre 30 et 40 euros pour les 7 millions de ménages qui se chauffent au gaz », a estimé la CLCV. Dans l’urgence, le Premier ministre a annoncé qu’un projet sera soumis au Parlement dès l’automne, l’objectif étant de modifier le système de calcul des prix du gaz et de l’électricité, jugé « dépassé », pour lui donner un caractère social et écologique.
Le secteur est cependant engagé dans une concurrence voulue par Bruxelles, qui ne répond pas à ces critères sociaux et écologiques. La baisse des prix, principal argument invoqué par les instances européennes, n’a pas été au rendez-vous. Les tarifs du gaz ont augmenté de plus de 60 % depuis la privatisation de Gaz de France en 2004, dont 20 % d’avril 2010 à avril 2011. L’Indecosa, association des consommateurs de la CGT, a interpellé les pouvoirs publics et estime que le gouvernement « ne doit pas répondre aux dogmes néolibéraux qui renforceraient encore le pouvoir des actionnaires », dont l’État, qui détient 36 % du capital. Les actionnaires toucheront pas moins de 3,3 milliards d’euros cette année, sans que le gouvernement y trouve à redire. Les modifications successives de la formule tarifaire ont permis à GDF-Suez de capter une marge toujours croissante, sans se préoccuper des modes de production et d’utilisation énergétiques, pointent les associations de consommateurs.