Harcèlement sexuel précisé
Selon Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes au Sénat, le nouveau projet de loi comporte de véritables avancées.
dans l’hebdo N° 1212 Acheter ce numéro
Deux mois après l’abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, les sénateurs ont adopté dans l’urgence un nouveau projet de loi. Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice (groupe communiste républicain citoyen) et présidente de la délégation aux droits des femmes, analyse la nouvelle définition du délit.
Qu’est-ce qui différencie le nouveau texte de loi de l’ancien ?
Brigitte Gonthier-Maurin : L’abrogation de l’article 222-33 du code pénal par le Conseil constitutionnel posait un double problème. Il fallait à la fois produire une définition qui soit suffisamment large pour couvrir les victimes, principalement des femmes, de l’ensemble des faits de harcèlement sexuel, et répondre au besoin des magistrats de disposer d’une définition claire et précise pour leur permettre de conduire leur travail à terme. L’imprécision du texte précédent engendrait beaucoup de relaxes. La nouvelle définition – est considéré comme harcèlement « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante » – permettra de répondre à ces deux objectifs.
Pourquoi introduire en plus la notion de « chantage sexuel » ?
D’entrée de jeu, nous avons été préoccupés par la question de la répétition. Dans le dictionnaire, le terme « harceler » implique que l’acte a été effectué plusieurs fois. Or, de nombreuses associations féministes et de victimes ont attiré notre attention sur le fait qu’un seul acte grave peut déclencher des répercussions aussi lourdes que le harcèlement répétitif. Par conséquent, le gouvernement a proposé cette notion de chantage. Ce qui est davantage discutable, selon moi, c’est le fait qu’il faille la volonté d’obtenir un «acte de nature sexuelle» pour définir ce chantage. Des personnes peuvent être victimes sans qu’il y ait eu recherche de faveur sexuelle. Les associations LGBT expliquent que le harcèlement peut avoir une visée d’humiliation.
Quelles sont les nouvelles circonstances aggravantes ?
Nous sommes satisfaits que la nouvelle rédaction introduise la question de la « particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l’auteur ». C’est une véritable avancée. Mais nous restons sur notre faim concernant la question de la minorité. Il aurait été préférable que la définition des mineurs reste telle quelle dans le texte. Dans la liste des circonstances aggravantes, la nouvelle rédaction retient l’allusion aux victimes « mineures de 15 ans » (c’est-à-dire âgées de moins de 15 ans). Mais le stagiaire en école ou les apprentis peuvent évidemment souffrir de harcèlement.
Les peines ont-elles été revues ?
Les sanctions sont plus lourdes. Le texte de 2002 condamnait un harceleur à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Désormais, le harcèlement sexuel est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. En cas de circonstances aggravantes (relation d’autorité, état de grossesse, victime mineure de 15 ans ou vulnérable…), la peine sera de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende.
La création de l’Observatoire des violences faites aux femmes, annoncée par Najat Vallaud-Belkacem, va-t-il de pair avec cette nouvelle loi ?
Les actes de harcèlement sexuel sont rarement connus. Peu de victimes vont jusqu’au bout de leur plainte. Environ un millier de plaintes sont déposées chaque année, mais, en réalité, seulement 70 à 80 atteignent la procédure. La dernière enquête concernant le sujet date de 2000 ! La réalité est très sous-évaluée, notamment en ce qui concerne le harcèlement au travail. L’engagement de la ministre des Droits des femmes est une très bonne chose. Cet observatoire mènera des enquêtes et mettra en synergie différents acteurs engagés contre le harcèlement sexuel : des associations, des institutionnels, des professionnels de santé.
Une procédure accélérée (une lecture par assemblée) était-elle indiquée pour un sujet si complexe ?
Il fallait travailler dans l’urgence. Aujourd’hui, puisqu’il n’y a plus de délit codifié dans la loi, le harcèlement sexuel se fait en toute impunité. Aller très vite ne veut pas dire réaliser un travail bâclé. Le groupe de travail a procédé à une cinquantaine d’auditions. Nous avons amassé une importante compilation de réflexions et de propositions. Le fait que des sénateurs se soient essayés à des rédactions concrètes d’une définition a permis de confronter celles-ci à des interlocuteurs. Le débat va se poursuivre maintenant à l’Assemblée nationale [le 24 juillet, NDLR]. Ce texte peut encore être enrichi.