Harcèlement sexuel précisé

Selon Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes au Sénat, le nouveau projet de loi comporte de véritables avancées.

Clémence Glon  • 19 juillet 2012 abonné·es

Deux mois après l’abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, les sénateurs ont adopté dans l’urgence un nouveau projet de loi. Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice (groupe communiste républicain citoyen) et présidente de la délégation aux droits des femmes, analyse la nouvelle définition du délit.

Qu’est-ce qui différencie le nouveau texte de loi de l’ancien ?

Brigitte Gonthier-Maurin : L’abrogation de l’article 222-33 du code pénal par le Conseil constitutionnel posait un double problème. Il fallait à la fois produire une définition qui soit suffisamment large pour couvrir les victimes, principalement des femmes, de l’ensemble des faits de harcèlement sexuel, et répondre au besoin des magistrats de disposer d’une définition claire et précise pour leur permettre de conduire leur travail à terme. L’imprécision du texte précédent engendrait beaucoup de relaxes. La nouvelle définition – est considéré comme harcèlement « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante »  – permettra de répondre à ces deux objectifs.

Pourquoi introduire en plus la notion de « chantage sexuel » ?

D’entrée de jeu, nous avons été préoccupés par la question de la répétition. Dans le dictionnaire, le terme « harceler » implique que l’acte a été effectué plusieurs fois. Or, de nombreuses associations féministes et de victimes ont attiré notre attention sur le fait qu’un seul acte grave peut déclencher des répercussions aussi lourdes que le harcèlement répétitif. Par conséquent, le gouvernement a proposé cette notion de chantage. Ce qui est davantage discutable, selon moi, c’est le fait qu’il faille la volonté d’obtenir un «acte de nature sexuelle» pour définir ce chantage. Des personnes peuvent être victimes sans qu’il y ait eu recherche de faveur sexuelle. Les associations LGBT expliquent que le harcèlement peut avoir une visée d’humiliation.

Quelles sont les nouvelles circonstances aggravantes ?

Nous sommes satisfaits que la nouvelle rédaction introduise la question de la « particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l’auteur ». C’est une véritable avancée. Mais nous restons sur notre faim concernant la question de la minorité. Il aurait été préférable que la définition des mineurs reste telle quelle dans le texte. Dans la liste des circonstances aggravantes, la nouvelle rédaction retient l’allusion aux victimes « mineures de 15 ans » (c’est-à-dire âgées de moins de 15 ans). Mais le stagiaire en école ou les apprentis peuvent évidemment souffrir de harcèlement.

Les peines ont-elles été revues ?

Les sanctions sont plus lourdes. Le texte de 2002 condamnait un harceleur à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Désormais, le harcèlement sexuel est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. En cas de circonstances aggravantes (relation d’autorité, état de grossesse, victime mineure de 15 ans ou vulnérable…), la peine sera de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende.

La création de l’Observatoire des violences faites aux femmes, annoncée par Najat Vallaud-Belkacem, va-t-il de pair avec cette nouvelle loi ?

Les actes de harcèlement sexuel sont rarement connus. Peu de victimes vont jusqu’au bout de leur plainte. Environ un millier de plaintes sont déposées chaque année, mais, en réalité, seulement 70 à 80 atteignent la procédure. La dernière enquête concernant le sujet date de 2000 ! La réalité est très sous-évaluée, notamment en ce qui concerne le harcèlement au travail. L’engagement de la ministre des Droits des femmes est une très bonne chose. Cet observatoire mènera des enquêtes et mettra en synergie différents acteurs engagés contre le harcèlement sexuel : des associations, des institutionnels, des professionnels de santé.

Une procédure accélérée (une lecture par assemblée) était-elle indiquée pour un sujet si complexe ?

Il fallait travailler dans l’urgence. Aujourd’hui, puisqu’il n’y a plus de délit codifié dans la loi, le harcèlement sexuel se fait en toute impunité. Aller très vite ne veut pas dire réaliser un travail bâclé. Le groupe de travail a procédé à une cinquantaine d’auditions. Nous avons amassé une importante compilation de réflexions et de propositions. Le fait que des sénateurs se soient essayés à des rédactions concrètes d’une définition a permis de confronter celles-ci à des interlocuteurs. Le débat va se poursuivre maintenant à l’Assemblée nationale [le 24 juillet, NDLR]. Ce texte peut encore être enrichi.

Société Police / Justice
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

« Les meurtres racistes actuels sont le prolongement du chemin intellectuel de l’AFO »
Entretien 3 juillet 2025 abonné·es

« Les meurtres racistes actuels sont le prolongement du chemin intellectuel de l’AFO »

Avocat de la Ligue des droits de l’Homme dans le procès du groupe d’extrême droite appelé Action des forces opérationnelles, Mohamed Jaite évoque la façon dont le racisme a été abordé au cours des audiences, parfois pour diluer les responsabilités.
Par Pauline Migevant
Commission d’enquête Bétharram : « L’État a cassé et sali des enfants par milliers » 
Interview 2 juillet 2025 abonné·es

Commission d’enquête Bétharram : « L’État a cassé et sali des enfants par milliers » 

Le rapport d’enquête sur les violences commises au sein des établissements scolaires réalisé à la suite du scandale de Notre-Dame-de-Betharram a été rendu public, ce mercredi. Politis a demandé à Claire Bourdille, fondatrice du Collectif Enfantiste, de réagir à cette publication.
Par Élise Leclercq
« Noire, musulmane, fille d’ouvriers : c’est de là que j’ai écrit un dictionnaire du féminisme »
La Midinale 2 juillet 2025

« Noire, musulmane, fille d’ouvriers : c’est de là que j’ai écrit un dictionnaire du féminisme »

Rokhaya Diallo, journaliste, réalisatrice et autrice du Dictionnaire amoureux du féminisme aux éditions Plon, est l’invitée de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »
Justice 1 juillet 2025 abonné·es

Snipers franco-israéliens : « Ce qui est effarant, c’est qu’ils revendiquent leurs crimes de guerre à Gaza »

Deux soldats franco-israéliens sont visés par une plainte de plusieurs ONG, déposée ce 1er juillet à Paris, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis à Gaza. Ils sont accusés d’avoir participé à des exécutions sommaires au sein d’une unité baptisée Ghost Unit.
Par Maxime Sirvins