La deuxième intifada, ou l’histoire d’un piège

Ramzy Baroud reconstitue les faits qui ont conduit au soulèvement palestinien entre 2000 et 2005.

Denis Sieffert  • 5 juillet 2012 abonné·es

Journaliste et écrivain américano-palestinien, né à Gaza, Ramzy Baroud nous propose une chronique serrée de la deuxième intifada palestinienne, ce soulèvement populaire qui a éclaté en septembre 2000, et dont on peut situer le terme à l’automne 2005. À ceux qui contesteraient une fois encore la centralité de ce conflit, l’auteur répond qu’ « aucune autre lutte nationale dans le monde n’est parvenue à symboliser autant de choses pour autant de personnes différentes ».

Le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit régional. Sa symbolique traverse tout le monde arabe, et empoisonne les rapports Nord-Sud. Comme le rappelle Ramzy Baroud, on peut parier que la résistance palestinienne « se poursuivra aussi longtemps que les circonstances qui ont contribué à son apparition resteront en place ». L’auteur combat donc l’illusion selon laquelle le conflit pourrait s’éteindre par une sorte d’obsolescence naturelle. Mais l’ouvrage vaut surtout par un retour rigoureux sur les événements qui ont provoqué la deuxième intifada. L’étincelle, on s’en souvient, c’est évidemment la visite d’Ariel Sharon « accompagné de mille soldats et policiers » sur l’esplanade des Mosquées, le 28 septembre 2000. Plus profondément, c’est l’échec du fameux huis clos de Camp David, et le conditionnement international qui s’ensuivit avec le « mythe de l’offre généreuse » d’Ehoud Barak, qu’Arafat aurait rejetée.

Si l’offre n’a jamais existé, le discours, lui, a contribué à isoler les Palestiniens et à préparer la répression qui allait bientôt s’abattre sur eux. Ramzy Baroud montre ici la logique qui conduit à ce qu’on a appelé « la militarisation de l’intifada ». Elle s’appelle désespoir quand le contexte international amalgame toutes les causes, quand le massacre des Tchétchènes est justifié, parce que Ben Laden s’est attaqué aux tours géantes de New York. On comprend alors pourquoi, « petit à petit », les Tchétchènes « ont perdu tout espoir », et comment « cela s’est traduit dans les tactiques de résistances adoptées ».

Comment, en bref, la « guerre au terrorisme » engendre le terrorisme. Le raisonnement vaut pour certains courants de la résistance palestinienne. Dans sa préface, Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique, démonte lui aussi cette logique : « Malgré l’acceptation de toutes les exigences israéliennes concernant la sécurité  […] Israël avait non seulement continué à confisquer des terres mais fait échouer le sommet de Camp David. » Les issues étaient verrouillées. Il ne restait plus qu’à accuser les colonisés d’être responsables du conflit. L’ouvrage de Ramzy Baroud est enrichi par des photos signées Joss Dray. Fidèle à sa conception, la photographe choisit de nous montrer la violence coloniale, et la vie quotidienne d’un peuple condamné à vivre dans les ruines de son propre pays.

Idées
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